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IFFR 2023 Compétition Tiger

Lukas Nathrath • Réalisateur de One Last Evening

"Nous étions assoiffés de distraction et d’aventure”

par 

- Le réalisateur allemand nous parle de son premier long-métrage, un film tourné à toute vitesse pendant la pandémie qui dégage un sentiment d’égarement et de solitude

Lukas Nathrath • Réalisateur de One Last Evening
(© Nils Schwarz)

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a fait sa première mondiale dans le cadre de la Compétition Tiger du Festival international du film de Rotterdam, après avoir remporté le prix de la mise en scène au festival Max Opühls Prize à Sarrebruck (lire l’interview). C’est le premier long-métrage de l’Allemand Lukas Nathrath, que nous avons rencontré pour parler de la genèse du projet, de la créativité qu'a générée pour lui la pandémie de Covid et de la tradition, longue de plusieurs générations, des problèmes de communication entre les êtres humains.

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Cineuropa : D’où vous est venue l’inspiration pour ce film ? Comment le projet a-t-il commencé ?
Lukas Nathrath : L’idée du film et le film lui-même sont nés pendant le premier confinement. J’étais à Bâle à l’époque, en tant que réalisateur en résidence, les théâtres étaient fermés et mon ami, le comédien Sebastian Jakob Doppelbauer, était comme beaucoup de ses collègues en pause forcée. Sebastian et moi étions en contact et nous avons eu l’idée de développer un projet de film. Du fait de ce temps d'arrêt imposé par des circonstances extérieures, nous avions le sentiment que malgré tout, beaucoup de choses avaient commencé à bouger en nous. Nous avions terriblement envie de distraction et d’aventure. D’abord, nous avions une idée de court-métrage, et puis c’est devenu un long-métrage, mais nous n'avions ni argent, ni financement. En tout, nous nous sommes débrouillés avec 4000 euros, qui sont allés principalement dans la post-production. Pour le reste, nous nous sommes adaptés. À Hanovre, beaucoup d’appartements étaient vides à cause de la fermeture du théâtre. Sebastian et d’autres membres de sa troupe avaient du temps et ils ont accepté de participer.

Comment avez-vous procédé pour développer les personnages ? Quels aspects étaient les plus importants ?
J’ai rencontré chacun des acteurs individuellement pour parler de leur rôle. Le développement des personnages s'est fait avec leur collaboration. Les acteurs m'ont posé beaucoup de questions qui étaient importantes pour ledit développement. En réponse, j’ai continué d'écrire le scénario et de l’ajuster tout du long. Il était important que tous les personnages aient une chose en commun : tous ont connu la solitude, la douleur et la perte de quelqu'un de cher et pourtant, tous sont enfermés dans leur monde et n'arrivent pas à communiquer. Je trouve intéressant d’observer combien les gens parlent sans prendre l'autre en compte, n’écoutent pas et sont incapables de communiquer.

Clemens compose une chanson en anglais. Les invités critiquent son choix de langue. Qu’entendiez-vous par là ?
À travers l'usage d'une langue étrangère, Clemens construit un mur protecteur. Ce choix de langue est une prise de distance. Pour moi, le film aussi est une sorte d’aliénation. Il n’est pas autobiographique, mais très personnel.

On comprend progressivement que le thème central du film est l’instabilité mentale de Clemens, et Lisa ne peut plus en assumer la responsabilité.
Lisa se met constamment sous pression, elle est toujours stressée. C'est une forme de compensation : elle se sent toujours obligée de compenser pour Clemens et pour la peur qu'elle ressent pour lui. Une partie de Clemens n'est plus capable de vivre. Il a des obstacles intérieurs qu’il essaie de surmonter, mais beaucoup de gens ont ça, chacun à sa manière. Dans ce personnage, ce handicap est le corollaire du doute de soi que connaissent beaucoup d’artistes et de gens travaillant dans la création. Je pense que tout le monde peut s'identifier à lui, d’une manière ou d’une autre.

Quel message voulez-vous transmettre à travers ce film ?
Je voulais montrer aux gens qui vivent un combat intérieur ce qu'il peut y avoir derrière la façade. On se réunit, et le plus souvent, on a des autres une opinion sans vraiment les connaître. La chose formidable, dans le médium du film, c'est qu'on peut adopter la perspective d’un personnage et essayer de la comprendre.

Avez-vous des modèles littéraires ou cinématographiques ?
Tchékhov est une grande source d'inspiration pour moi. Dans son travail, les gens sont souvent assis les uns à côté des autres et se parlent sans s’écouter. Cela signifie que ces problèmes de communication existaient déjà à la fin du XIXe siècle, que ce n’est pas un phénomène correspondant à une génération en particulier. Du côté du cinéma, Une femme sous influence de John Cassavetes est très important pour moi. Cassavetes est si précis, obstiné et sans merci pour ce qui est d’exposer la condition humaine de l’âme. Et puis il y a The Forest For the Trees et Everyone Else [+lire aussi :
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de Maren Ade, Maris et Femmes de Woody Allen, Frances Ha de Noah Baumbach, ou encore Oh Boy [+lire aussi :
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Vous utilisez principalement une caméra tenue à l’épaule. Pourquoi ce choix était-il important ?
La caméra à l’épaule est essentielle pour transmettre un sentiment d’immédiateté. La soirée pendant laquelle l’histoire se déroule était censée être dynamique. Nous voulions aussi exprimer visuellement l’instabilité et l'instabilité du personnage. L’esthétique devait aussi correspondre à l’été fiévreux pendant lequel nous avons tourné. Le choix de tourner caméra à l'épaule avait aussi des raisons pratiques : nous n'avions qu'un caméraman et nous devions faire vite. Il était important que les acteurs puissent évoluer librement.

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(Traduit de l'anglais)

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