01/03/2023 - BERLINALE 2023 : La réalisatrice cause crypto-anarchisme et exploration d'une direction formaliste différente en matière de documentaire, et nous confie pourquoi elle a filmé Burning Man

La documentariste expérimentale slovaque Viera Čákanyová est de retour à la Berlinale pour présenter en première mondiale son nouvel essai audiovisuel (et le dernier volet de sa "trilogie post-humaine"), Notes from Eremocene [+lire aussi :
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fiche film], dans la section Forum. Cineuropa l'a rencontrée pour causer crypto-anarchisme et exploration d'approches formelles différentes dans le champ du documentaire, et pour l'interroger sur la raison pour laquelle elle a tourné à Burning Man.

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Cineuropa: Notes from Eremocene devait initialement être un essai sur les crypto-anarchisme. Quand le film a-t-il pris une direction différente ?
Viera Čákanyová : À vrai dire, deux films qui avaient au départ des sujets différents, mais liés, ont été fusionnés ensemble. Quand je travaillais sur FREM [+lire aussi :
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interview : Viera Čakányová
fiche film], qui évoquait le sujet de l’intelligence artificielle, j’étais aussi intriguée par les crypto-anar et le fait que leur travail a plus des fondements philosophiques et idéologiques qu'économiques, ainsi que par les inventions qu’on leur doit, comme la blockchain. J’ai commencé à rencontrer des gens de la communauté des crypto-anarchistes, qui a une forte base à Prague.

Tous les sujets conçus pour FREM ne se sont pas retrouvés dans le film. L'un d'eux était l'histoire d'un concepteur de logiciels dépressif travaillant sur un projet d’intelligence artificielle qui a été tué par balle en Nouvelle-Zélande. Une fraction de ces images ont été intégrées au prologue de FREM. Tandis que je réfléchissais à la manière dont la blockchain et l’intelligence artificielle pourraient fondamentalement changer le paradigme social et politique, ce qui a mené à un monde qui précède la réalité, dans FREM. Donc en gros, j'ai prolongé la courte introduction de FREM pour en faire un film séparé : Notes from Eremocene. Ce travail est conçu comme un futur fossile analogique, une capsule temporelle pour préserver la mémoire de l’humanité.

Est-ce que la trilogie post-humaine (qui comprend FREM, White on White [+lire aussi :
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fiche film] et Notes from Eremocene) est née naturellement ?
Oui. Dans la mesure où FREM a fini par prendre la tournure d'un travail conceptuel et expérimental, j’ai senti le besoin d’aborder les autres sujets sous des formes différentes. Je pense que c’était la meilleure chose à faire. Les trois films sont connectés, et ils se font écho et ont quelques motifs en commun, mais en même temps, chacun peut être pris indépendamment des autres.

Vos travaux, votre style et vos méthodes de travail diffèrent énormément de la tradition du documentaire dans votre pays. Comment cela s’est-il produit ?
Je ne sais pas. Je ne pense jamais à aucune tradition quand je fais mes films. J’essaie de trouver une manière d’exprimer ce que je veux dire en choisissant l'approche formelle la plus adaptée. Je joue librement avec toute référence visuelle ou esthétique que je peux trouver autour de moi.

Notes from Eremocene se réfère à certaines modalités narratives appartenant au documentaire : j’ai utilisé les formats 16 mm et Super8, qui évoquent un style de récit façon journal intime semi-amateur. Je n'ai pas été consciemment influencée par d'autres documentaires slovaques.

Avez-vous été influencée par le travail de Karel Vachek ?
En quelque sorte, ses premiers films. Je me souviens d'avoir parlé avec Karel des cryptos et de la blockchain quand j’étais à l’école. Il a écouté très attentivement (et peut-être même que ça lui a inspiré quelques idées pour le film Communism and the Net or the End of Representative Democracy [+lire aussi :
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fiche film]). Ceci étant dit, Karel n’a pas beaucoup influé sur mon travail en termes de style, mais je pense qu’il comprenait aussi que la société occidentale était entrée dans la grave crise politique et sociale qu'on vit aujourd'hui, et qu'une forme de transformation était nécessaire.

Notes from Eremocene combine plusieurs formes et styles qui diffèrent des normes conventionnelles.
C’est quoi, conventionnel ? Des documentaires éducatifs ? Il y a des faits, mais je les ai utilisés pour créer un récit inventif. Vous pouvez entendre quelques explications dans le film, qui sont formulées dans un langage mathématique, mais elles sont placées à l’intérieur d’un concept fictionnel. C'est ça mon approche : je prends des faits dans la réalité objective et je les mélange et les transforme à travers mon imagination artistique.

C’était surprenant, de voir de courts moments de Burning Man dans ce film.
J’avais en tête une secte de "gens du désert", or c’était une occasion de les visualiser. Comme le film avait un budget très serré, je n'avais pas les moyens de mettre en scène ces séquences. Je cherchais des situations que je pourrais insérer dans mon récit en leur donnant une interprétation différente. Ces visuels convenaient parfaitement.

Est-ce que cela signifie que vous aviez un scénario, pour ce projet ?
En quelque sorte. Je savais quelle serait la structure narrative d’ensemble. J’avais en tête les contours de ce "monde d’après", pour ainsi dire, un peu comme Tolkien avec sa Terre du Milieu. Il était nécessaire d'écrire quelle serait la mythologie de base de ce monde, d'inventer quelques néologismes pour désigner les nouveaux phénomènes qui s'y produiraient, et de décrire différents groupes de gens y vivant et leurs pratiques. Le niveau numérique de ce monde est gouverné et organisé par l’intelligence artificielle, G-DAO. Tout ceci a été créé avant, avec les sujets que je voulais avoir dans le film.

(Traduit de l'anglais)