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Costas Zapas • Réalisateur

“Le contournement des lois morales”

par 

- Costas Zapas s'est fait connaître sur le plan international avec Uncut Family (2004) et The Last Porn Movie (2006). Minor Freedoms clôture sa trilogie sur la famille

Costas Zapas, un des noms les plus remarquables du cinéma d'auteur actuel, s'est fait connaître sur le plan international avec Uncut Family (2004) et The Last Porn Movie (2006). Minor Freedoms [+lire aussi :
critique
interview : Costas Zapas
interview : Gregory Athanasiou
fiche film
]
est le dernier volet de sa trilogie sur la famille.

Cineuropa : Malgré le titre Minor Freedoms, il y a dans votre film très peu de liberté. Vos personnages semblent n'avoir pas le choix.
Costas Zapas : C'est un grand débat politique, car dans les faits, tout ce qu'il nous reste, ce sont des "moindres libertés". Je ne sais pas si cela n'affecte que mes personnages ou si cela touche tous les citoyens du monde. Nous avons choisi de devenir une masse plutôt que des citoyens, or une masse a des devoirs mais aucun droit. À l'inverse, le citoyen a des devoirs et des droits. Parfois, les personnages ont des caractéristiques particulières, mais si on les compare à nos voisins ou à notre image dans le miroir, on se rend compte que nos propres libertés sont moindres dans ce nouveau status quo globalisé.

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Vos personnages pourraient se trouver n'importe dans ce monde globalisé. Ce sont des gens ordinaires dans un contexte politique et social spécifique qui sont confrontés à leurs limites.
Dans le cinéma d'auteur, il faut dépasser les limites. Pour ce faire, un réalisateur ne doit pas seulement se référer à la vie de tous les jours mais aussi transformer ces images du quotidien en quelque chose d'épique. Il doit utiliser des symboles qui soient universels. Ce qui arrive à Fanny, mon personnage principal, est arrivé à Iphigénie dans la tragédie grecque, mais se produit aussi de nos jours. Nous savons tous que le trafic humain existe et qu'il cache un grand désespoir. Nous savons tous que l'inceste touche autant les campagnes que les villes.

L'inceste est un tabou pour les sociétés qui donnent de la valeur à la famille, notamment la société grecque. Vous avez décrit d'autres types de dysfonctionnements familiaux dans vos oeuvres précédentes. Quel est le lien ?
En tant que réalisateur, je me suis toujours intéressé à ce qu'on appelle l'État et à son contenu : patrie, religion et famille. Voilà la clef de voûte des sociétés modernes. J'ai commencé avec le troisième élément, la famille, parce que c'est la première forme de société, la cellule dans laquelle on se constitue des opinions politiques et religieuses. Ce film complète ma trilogie sur la famille, qui comprend Uncut Family, the Last Porn Movie et Minor Freedoms. Un spectateur aguerri décèlera dans mes films la trace de séances de psychanalyse. La famille joue un rôle significatif dans le développement de la personnalité et donc dans le développement de toute la société, car nous ne sommes que des mammifères qui vivent en troupeaux.

La figure du père est ici très dominante et renvoie à la figure du bourreau. Ses enfants souffrent de sa personnalité. Cependant, tout le monde est à la fois victime et bourreau.
J'élargirais même un peu la question en disant que personne n'est officiellement victime ou bourreau dans notre société globalisée, ce qui est discutable parce que cela détruit la structure et contourne la loi, morale ou sociale. Il faut se souvenir que toute tragédie grecque commence par une infraction à la loi morale. En effet, mes personnages ne sont ni victimes ni bourreaux. Je crois que tout le monde peut être bon et méchant à la fois. C'est la même énergie qui nous entoure tous et s'exprime, à travers nous, dans le sens du bien ou du mal. Pour citer Prométhée : "Tout a été décidé. Personne n'est libre". À mon avis, l'autorité a fondamentalement toujours représenté la même chose. La seule chose qui change, pour les hommes, c'est la vie de tous les jours. Elle s'améliore ou empire selon les circonstances, mais le pouvoir, l'autorité, reste identique.

Quelles valeurs opposez-vous à cette autorité en perte de vitesse ?
Je vis pour deux choses : l'amour et l'art. Je pense non seulement que l'amour existe, mais aussi que ce n'est pas une force invisible. C'est une force vraiment présente. Je vis aussi pour l'art. Comme le monde entier est corrompu dans la mesure où la loi l'est, je pense que l'art est la seule chose au monde qui peut s'élever au-dessus de la loi sans sanction de la part de cette dernière. Je poursuis consciemment ma propre chemin dans le cinéma. Je ne crois pas aux dates de naissance : la vraie naissance survient quand on le décide, quand on décide de sa famille, de son identité, des choix qu'on va faire, de la vie qu'on va avoir. Quand j'ai décidé de vivre pour l'amour et l'art, c'est là que je suis vraiment né. C'est ce que la psychanalyse appelle "l'autre", dans le sens où l'entend Jacques Lacan. Cela signifie que je suis consciemment une voie particulière dans la vie et dans l'art.

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