30/06/2011

La notion de cinéma européen est aujourd'hui un non-sens artistique et conceptuel. Elle n'a de raison d'être que celle des frontières et émane d'un agrégat de nationalités, elles-mêmes souvent fondées sur des critères purement administratifs. Elle regroupe le meilleur comme le pire, des blockbusters nationaux à dimension purement locale, des productions de qualité capable de voyager hors de leurs frontières, comme un cinéma d'auteur des plus exigeants.

Europe, terre d'accueil de la création
Si l'Europe a aujourd'hui un rôle à jouer, c'est bien plus comme terre d'accueil de la création, de la diversité et comme un espace de circulation capable de perpétuer une tradition artistique et un rayonnement auprès d'un large public. Si on veut que l'Europe parle aujourd'hui aux citoyens, il faut qu'elle cesse de n'être qu'une seule structure administrative, il faut qu'elle prenne un sens politique, qu'elle s'incarne, comme elle a su le faire au sortir de la guerre, dans des idées fortes et des valeurs, et cesse de se replier sur elle-même, sur des critères de plus en plus administratifs et désincarnés. Pourquoi un film japonais ou égyptien aurait-il moins de légitimité à exister en Europe ? Pourquoi un festival qui défend des films uniquement européens aurait-il plus de légitimité à être soutenu qu'un festival qui défend une certaine idée du cinéma, de la mise en scène, de la diversité culturelle et de leur transmission ?

Qui mieux que l'Europe aujourd'hui défend le cinéma d'auteur iranien, vietnamien, philippin ou chinois ? Nombre de films de ces pays sont vus en Europe par un véritable public et ignorés sur leur territoire d'origine. Nombre de ces films n'existeraient pas sans la foi, l'engagement et le courage de producteurs européens passionnés. C'est cette force-là de l'Europe - celle du public, de sa curiosité, de son industrie créative et ouverte sur le monde - qu'il faut préserver et cultiver.

Le Festival Paris Cinéma et Paris Project, sa plateforme de coproduction internationale, ne sont pas des événements européens au sens où ils ne reçoivent pas l'appui de Media et refusent l'idée de sélectionner des films pour leur seule nationalité européenne. En revanche, le festival défend l'idée que Paris, au cœur de l'Europe, se doit de perpétuer une tradition industrielle et artistique, celle d'un poumon de la création cinématographique indépendante.

Et parce que produire des films n'a de sens que si ceux-ci sont vus, le Festival Paris Cinéma a pour vocation de rendre accessibles au plus grand nombre les films qu'il défend. Le festival se définit évidemment comme tous les festivals par sa ligne artistique mais aussi par la façon qu'il a de transmettre ses valeurs au spectateur - éclectisme, offre tarifaire attractive, gratuité de certains événements populaires, accompagnement constant des œuvres, ouverture au public..., en essayant à tout prix de faire tomber les barrières d'une cinéphilie souvent exclusive et arrogante, pour que tous les citoyens puissent franchir sans complexe culturel les portes des salles de cinéma et découvrir des œuvres venues des quatre coins du monde, et d'Europe bien sûr.

Nous nous positionnons comme un exemple concret d'échanges entre professionnels européens et d'autres régions du globe, entre ces professionnels et le public, pour que la vitalité du cinéma en Europe continue d'être une de ses fiertés et poursuive son rayonnement de par le monde.

(Aude Hesbert - Déléguée générale du Festival Paris Cinéma)