10/02/2012

La deuxième journée de la compétition de la 62ème Berlinale s'est ouverte sur une vivante promenade dans les rues d'une ville sénégalaise non-identifiée qui est la ville natale de Satché, le héros d'Aujourd'hui [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis. La prémisse, si elle est originale, semble pourtant inquiétante : pour des raisons qu'on ignore et qui n'ont pas d'importance, Satché (incarné par l'acteur et musicien américain Saül Williams), pourtant dans la force de l'âge, sait qu'il ne lui reste plus que 24h à vivre et décide de parcourir sa vie et sa ville, où il est de retour après quinze ans à l'étranger.

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Dans cet espace et ce laps de temps en apparence très nettement délimités, Satché, qu'on ne quitte jamais, vit toute une variété de scènes qui sont autant de tableaux représentant différents moments de sa vie et différents rapports. À mesure qu'il retrouve sa famille, ses vieux amis, sa maîtresse, sa femme et ses enfants, les gens de son pays (les manifestants qui en ont "assez", le marchand de pain qui paie ainsi ses études de théologie...), il est tantôt traité en héros dont on clame le nom, tantôt rejeté, tantôt réintégré dans le pays natal où il a choisi de mourir, tantôt vu comme un étranger, et la multiplicité des situations et relations évoquées fait de ce film aux dialogues aussi profonds que parcimonieux une mosaïque subtile et nuancée comme l'ensemble d'une vie.

Cette fable colorée (non seulement visuellement mais aussi sur le plan narratif, à travers les images qu'utilisent les interlocuteurs de Satché pour raisonner) qui est une réflexion sur l'existence et sur le commencement et la fin constitue aussi le voyage le plus authentique qui soit (parce qu'il n'a pas pour objectif d'être exotique) au coeur d'un univers fascinant, avec son rythme particulier, ses bruits et ses silences. On est au fil de la dernière journée de Satché très conscient du regard qu'il promène sur sa vie, de celui des autres sur lui et de fait de son propre regard de spectateur non-africain. Comme Satché, on observe et on se sent immergé et étranger à la fois, une impression qui reflète le caractère de coproduction d'Aujourd'hui, qui a réuni les sociétés françaises Granit Film, Maïa Cinéma et Agora Films avec la maison sénégalaise Cinekap.