email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2012 Special / Allemagne

Glück : le bonheur, tout simplement

par 

Avec un titre pareil, Glück (c'est-à-dire "Bonheur"), on pouvait compter sur l'excellente réalisatrice allemande Doris Dörrie pour produire la quintessence de ce que l'anglais appelle un "feel-good movie", c'est-à-dire un film dont on ressort avec le sourire aux lèvres et la joie au coeur.

Dörrie met ici sa toujours extraordinaire palette de couleurs vives au service d'une histoire d'amour absolu qui se noue à l'improviste entre deux laissés-pour-compte dans les rues d'un quartier défavorisé de Berlin. Irina (incarnée par Alba Rohrwacher, que Dörrie a répérée dans Ce que je veux de plus de Silvio Soldini, où il était aussi question d'amour) a dû quitter le paradis bucolique de sa Macédoine natale, avec ses moutons folâtrant au soleil et son miel doré, après avoir été violée par le groupe de soldats qui vient d'abattre ses chers parents. Dans les rues de Berlin, elle est désormais une prostituée sans papiers qui n'ôte sa perruque blonde platine que le soir pour se réfugier sous le drap brodé de moutons qui est le seul souvenir de son enfance heureuse qu'elle ait conservé. Sur le trottoir d'en face, Irina voit tous les jours Kalle (Vinzenz Kiefer), un punk à chien aux yeux azur et à la moue d'enfant dont seule l'odeur fait peur (la scène où une passante ordinaire remet agressivement à sa place ce végétarien qui a peur du sang souligne combien Kalle est inoffensif) et qui a bien besoin, lui aussi, d'une couverture sous laquelle se recroqueviller un peu et s'isoler du monde qui les a si mal traités.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Quand Irina a pour lui cette petite attention, timidement, précautionneusement, ces deux exclus de la société se rapprochent, et eux qui n'ont rien deviennent tout l'un pour l'autre. Sans jamais évoquer les raisons de sa souffrance, elle le laisse entrer dans l'arc-en-ciel pastoral qu'elle reconstitue par fragments autour d'elle et lui promet que de sa bouche à elle ne sortiront jamais les mots "va-t-en !". C'est qu'elle sait de son côté qu'il ferait tout pour elle.

Cet amour inconditionnel prêt à tout est d'ailleurs le ressort déclaré du récit, qui s'inspire d'une nouvelle de l'avocat pénaliste Ferdinand von Schirach intitulée Crime et nous est présenté dès l'incipit par un avocat (Matthias Brandt) qui dit avoir croisé la vie d'Irina et Kalle et que même derrière les grands crimes se retrouve l'universelle quête du bonheur – une introduction qu'on perd de vue un long moment, tout à la joie de suivre la rencontre et la nouvelle vie faite de petits bonheurs simples et sincères comme une séance de balançoire ou une tartine de miel des deux touchants héros qu'on ne quitte jamais des yeux.

Et soudain, presque à la fin du film, au moment où on ne s'y attend plus, Dörrie nous donne à voir ce que tout faire pour quelqu'un veut dire, et elle non plus n'hésite pas à aller jusqu'au bout, appliquant au registre gore écarlate la même parfaite attention au détail que quand tout commençait à devenir rose (le sac plastique que Kalle enfilait sur sa tête au début du film pour voir la vie en rose trouve d'ailleurs une utilité nouvelle follement cocasse), et ce pour le plus régal d'un public paradoxalement mais immanquablement hilare, parce qu'ici le bonheur, le rire et l'amour l'emportent sur tout le reste.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy