email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2014 Panorama

Berlinale : Brides, une impressionnante mise à jour de la tragédie grecque

par 

- Le premier film de fiction de Tinatin Kajrishvili est un récit riche en émotion qui arrive progressivement à une catharsis

Berlinale : Brides, une impressionnante mise à jour de la tragédie grecque

Brides [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Tinatin Kajrishvili
fiche film
]
, le premier long métrage de fiction de la Géorgienne Tinatin Kajrishvili, présenté en avant-première dans la section Panorama du Festival de Berlin, pourrait bien devenir le prochain In Bloom [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Nana Ekvtimishvili et Simo…
fiche film
]
 en termes de succès dans les festival, mais en tant qu'oeuvre d'art, il atteint un niveau encore supérieur aux films de très bonne qualité que commence à produire, au compte-goutte mais régulièrement, l'industrie du cinéma géorgienne.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

La jolie couturière presque trentenaire Nutsa (Mari Kitia, pour la première fois à l'écran) accepte d'épousee Goga (l'acteur et réalisateur Giorgi Maskharashvili), son petit ami et le père de ses deux enfants, entre les murs d'une prison, car il en est à la quatrième année sur une peine de dix ans de prison, pour un crime qui ne nous est pas dévoilé. C'est qu'un nouveau règlement permet aux compagnes des détenus de rendre visite à ces derniers, derrière un panneau de verre, une heure par mois, mais il faut pour cela être mariés.

À sa première visite, Nutsa amène la mère de Goga et les enfants. La plus jeune n'ayant qu'un souvenir très vague de son père, et le fils de neuf ans ayant pour lui un respect fondé sur une série de mensonges, la fois suivante, ils n'ont pas envie de retourner au parloir. Nutsa invente alors des excuses, mais ce n'est pas la seule chose qu'elle cache à son mari : elle a aussi rencontré un homme très séduisant. Un coup de téléphone au mauvais moment va vite permettre à Goga de se rendre compte que quelque chose ne va pas.

Et puis le règlement pénitenciaire change de nouveau, et cette fois les prisonniers peuvent recevoir leurs femmes pendant 24 heures, en tête-à-tête. Quand Nutsa vient pour la première fois passer ce moment avec son mari, elle endosse la robe qu'elle portait à leur premier rendez-vous. Le film entre alors dans son dernier acte, offrant au spectateur (et à l'ensemble de la Berlinale) un moment d'émotion extrêmement puissant.

Kajrishvili a parfaitement épuré la structure de son film en laissant en dehors du cadre, dans chaque acte, des événements clefs. Le procédé lui permet de garder toutes les émotions en réserve pour les libérer soudain à la fin, dans une scène cathartique finale aussi puissante qu'inattendue. La forme et l'impact de la tragédie grecque n'avaient pas trouvé d'expression filmique moderne aussi réussie depuis longtemps.

Les acteurs contribuent énormément à produire cet effet : Kitia comme Maskharashvili sont magnifiques. L'actrice débutante exprime un plus grand éventail d'émotions, toutes complexes, car son personnage est déchiré entre amour et culpabilité, espoir et réalité. Son partenaire a la tâche encore plus dure de devoir faire passer beaucoup de choses à travers sa voix : dans les scènes où Nutsa et Goga sont au téléphone, Kajrishvili ne montre à l'écran que la première, tandis que la présence de son mari n'est que sonore. Le ton que Maskharashvili rend à la perfection dans ces échanges est complété par ce qu'il exprime dans les scènes où il apparaît, et qui se trouve démultiplié par le procédé.

Tout en faisant découvrir au spectateur les intérieurs décrépis de la prison et l'univers sinistre qui est le cadre de vie des personnages, les décors et la photographie (confiée à Goga Devdariani, le directeur de la photographie du récent A Fold in My Blanket, qui est injustement passé assez inaperçu) n'imposent jamais un constat de pauvreté : le problème des personnages n'est pas l'argent, mais quelque chose de bien plus important. L'aspect social n'étant évoqué ici que de manière incidente, on se trouve bel et bien devant un drame humain à l'état pur.

Cette oeuvre, tout en confirmant l'apparition de ce qu'on pourrait appeler une "nouvelle vague géorgienne", se présente d'emblée comme sa plus belle expression, et on ne peut que lui souhaiter d'atteindre un public beaucoup plus vaste que celui des festivaliers.

Brides, produit à Tbilisi par Gemini et Millimeter Film avec la société française Ad Astra Films, a été présenté au marché de la coproduction CineLink du Festival de Sarajevo et au rendez-vous When East Meets West de Trieste. Ses ventes internationales sont gérées par Rezo Films

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy