email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CANNES 2016 Un Certain Regard

La Danseuse : Loïe Fuller, du diamant brut au gemme brillant de mille feux

par 

- CANNES 2016 : Dans son premier long-métrage, Stéphanie Di Giusto nous fait vivre avec une habilité saisissante une expérience de révélation

La Danseuse : Loïe Fuller, du diamant brut au gemme brillant de mille feux
Soko dans La bailarina

Si, sur le programme de la section Un Certain Regard du Festival de Cannes, La Danseuse [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
n’était pas suivi d’une petite Caméra d’or, on aurait peine à croire qu’il s’agit du premier long-métrage de Stéphanie Di Giusto, et ce pas seulement parce qu’elle a pu réunir une troupe d’acteurs tout à fait scintillante. Bien que le prologue américain du film ait quelque chose de désagréablement rude qui ne séduit pas vraiment – comme l’héroïne du film, Marie-Louise (aka Loïe) Fuller (Soko), qui devint une "icône de la Belle Époque" louée par Rodin, Toulouse-Lautrec, mais aussi Pierre et Marie Curie, pour n'en citer que quelques uns –, on distingue déjà un petit pan de grâce dans la relation qu'a avec son père cette jeune fille dont on fait connaissance alors qu'elle est traînée dans la terre battue, ainsi que dans la fougue avec laquelle elle se lit à voix haute l'histoire de l'envoûtante Salomé et dessine, assise dans l'herbe folle, des pages et des pages de croquis. L'élégance de l'ellipse visuelle de la scène où elle découvre le corps sans vie de son cher papa est la première confirmation retentissante qu'on a ici affaire à une réalisatrice qui maîtrise parfaitement et son sujet, et sa mise en scène, d'autant plus que cette étonnante pudeur a quelque chose de mimétique qui correspond aux façons de l'héroïne. 

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

C'est de l'autre côté de l'Atlantique, à Paris, que va se mettre à briller ce gemme à l'état brut qu'on a de prime abord du mal à aimer, et qui semble accepter l'humiliation tout en ne cédant pas d'un pouce s'agissant de ses créations – qui font encore l'impression d'une lubie, tant son obstination est hermétique.  Dans la ville de l'avant-garde artistique bouillonnante, cette drôle de danse née d'une maladresse, qui fait de voiles légers secoués avec vigueur par par les bras musclés de Loïe tantôt un oiseau de paradis, tantôt une merveilleuse corolle, apparaît enfin sous le jour qu'elle mérite, pour le public de l'époque comme le spectateur. Ce dernier est d'autant plus émerveillé qu'il assiste au sacrifice physique de l'artiste pour offrir à son public des numéros littéralement éblouissants qui lui brûlent les yeux autant qu'ils illuminent la scène, à son travail continuel pour tirer le meilleur profit des progrès techniques de l'ère industrielle, à son intransigeance comme artiste, inventeuse de dispositifs brevetés et chef d'entreprise – à une époque où très peu de femmes avaient la possibilité de s'illustrer ainsi (a fortiori des danseuses !). Comme l'audience qui vit alors les spectacles de Loïe Fuller, on est conscient d'assister ici à quelque chose d'unique, d'extraordinaire et de totalement nouveau, surtout que les numéros de Fuller n'ont jamais été filmés.

La grande qualité de ce film biographique totalement maîtrisé, très nettement le fruit de recherches méticuleuses, est que justement, Di Giusto connaissant parfaitement son sujet, elle ne se cantonne pas à faire un exposé sur Loïe Fuller façon "sa vie, son oeuvre", mais prend parti, notamment celui d'évoquer sans trop insister non plus l'homosexualité de la robuste danseuse à travers le personnage de son assistante, incarnée par Mélanie Thierry, son amitié chastement sensuelle avec l'impuissant Louis Dorsay (Gaspard Ulliel) ainsi que sa relation ambigue de rivalité et d'attirance avec l'exquise et mutine Isadora Duncan (Lily-Rose Depp), pour qui la danse est quelque chose de naturel qui semble ne lui demander aucun effort et qui exalte le corps dévoilé, c'est-à-dire un art aux antipodes de celui que pratique Loïe. La réalisatrice fait joliment honneur au mot qu'eut Mallarmé à propos de Fuller : "ivresse d’art et, simultané, accomplissement industriel".

Vendu à l’international par Wild Bunch, La Danseuse est un travail intelligent, renseigné, de facture impeccable, qui fait cadeau au spectateur de merveilleux transports.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy