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TORONTO 2018 Discovery

Critique : Saf

par 

- TORONTO 2018 : Dans son deuxième long-métrage, Ali Vatansever observe combien l’urbanisation agressive est en train d’altérer sa ville, Istanbul, ainsi que son pays, à travers le yeux d’un homme simple mais brisé

Critique : Saf
Saadet Işıl Aksoy et Erol Afşin dans Saf

Ali Vatansever, photographe et réalisateur né à Istanbul où il vit et exerce, y a co-fondé la société de production Terminal Film à travers laquelle il a réalisé, quatre ans plus tard, son premier long-métrage : le film plusieurs fois primé One Day or Another. Son deuxième film, Saf [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ali Vatansever
fiche film
]
, a fait son avant-première mondiale dans la section Discovery du 43e Festival de Toronto.

Le quartier de Fikirtepe, du côté anatolien d'Istanbul, est en train de subir une grande transformation due à l'urbanisation. Ce qui était auparavant une zone remplie de squatters voit s'élever des logements neufs et des bâtiments commerciaux. Kamil (Erol Afşin), 28 ans, vit là avec sa femme Remziye (Saadet Işıl Aksoy). Cela fait longtemps qu'il est au chômage, et elle travaille comme femme de ménage pour une famille riche, de sorte qu'ils n'arrivent plus à joindre les deux bouts et risquent de perdre leur logement. Leur quartier défavorisé abrite aussi des réfugiés syriens, également en situation précaire, tandis que l'urbanisation qui se poursuit sans relâche détruit les immeubles abandonnés qui leur servent d'abri.

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Écrasé par la pression financière, contre ses convictions personnelles, Kamil se résout à travailler secrètement comme conducteur de bulldozer sur un des chantiers qui anéantissent le sol où il vit. Pour ne rien arranger, il accepte de recevoir un salaire inférieur, d'un niveau généralement réservé aux réfugiés syriens, volant de fait le travail de l'un d'eux, ce qui va bien sur entraîner des différends sur le chantier, surtout quand les collègues turcs de Kamil l'apprennent. Petit à petit, entre la pression du travail et ce nouvel environnement, Kamil change, ce qui a des répercussions sur sa relation avec Remziye. Quand il disparaît inopinément, elle doit, seule, faire face aux conséquences.

Vatansever, également auteur du scénario du film, compose ici un drame social sinistre, très d'actualité, qui dépeint une période de grandes transformations non seulement pour Istanbul, mais aussi pour la Turquie dans son ensemble. Cependant, l'élément le plus important du film est son observation de la manière dont le jeu des forces qui sont en train d'altérer le paysage urbain peuvent aussi détruire un homme ordinaire comme Kamil. En turc, "saf" signifie pur, naïf, crédule, des adjectifs qui s'appliquent tous parfaitement à Kamil. Son environnement malveillant va grignoter petit à petit sa personnalité, faisant de lui un combattant sans scrupules qui ferait tout pour sa survie – une métamorphose que Afşin rend de manière très réaliste. Bien sûr, Remziye, également interprétée de manière convaincante par Aksoy, n'est pas non plus invulnérable, ce qui devient de plus en plus évident quand c'est elle qui se met à occuper le centre de l'histoire, tandis que les éléments de thriller mystérieux prennent le pas sur le drame social.

En veillant bien à tenir à distance l'image d'Istanbul qu'ont la plupart des Occidentaux, Saf aborde les questions les plus complexes qui affectent la ville de manière directe et linéaire. Vatansever prend un vrai risque en s'attaquant en même temps à autant de problèmes d'actualité (la crise financière, les réfugiés syriens, la dégradation sociale, les relations professionnelles et familiales), mais il parvient à jongler habilement avec tous ces sujets en maintenant un bel équilibre entre eux, sans que le résultat ne soit trop lourd ou enflé.

Saf est de ces films qui pourraient bien devenir un gros succès par le jeu du bouche-à-oreille. La manière dont le spectateur perçoit le récit évolue tout du long : les personnages, d'abord lointains, lui semblent ensuite extrêmement proches, ce qui rend l'examen de la conscience humaine que propose le film d'autant plus saillant par rapport à ses autres motifs. Les performances impressionnantes que fournissent les comédiens ajoutées à l'approche narrative inattendue adoptée par l'auteur permettent certainement d'avoir un angle nouveau sur un sujet qui a déjà été exploré de nombreuses fois, et ce pas uniquement dans le cinéma turc.

Saf est une coproduction entre la Turquie, l'Allemagne et la Roumanie qui a réuni les efforts de Selin Vatansever Tezcan et Oya Özden (Terminal Film), de Harry Flöter et Jörg Siepmann (2Pilots Filmproduction) ainsi que d'Anamaria Antoci (4 Proof Film). Les ventes internationales du film sont assurées par la société française Doc & Film International.

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(Traduit de l'anglais)

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