03/03/2020 - Nommée au Cartoon Tribute de producteur européen de l’année pour La Fameuse invasion des ours en Sicile, la société française a été contrainte à la fermeture par un marché qui se durcit

C’est un paradoxe qui reflète une très sérieuse inquiétude dans le milieu de l’animation européenne dont les principaux acteurs sont rassemblés depuis aujourd’hui à Bordeaux dans le cadre du 22e Cartoon Movie (du 3 au 5 mars – lire l’article). Alors que la filière est mondialement réputée pour son excellence, de ses écoles à son réseau de coproductions à l’échelle du Vieux Continent, en passant évidemment par ses films comme le démontre la victoire à la Semaine de la Critique cannoise et la nomination à l’Oscar de J’ai perdu mon corps [+lire aussi :
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interview : Jérémy Clapin
fiche film] de Jérémy Clapin, l’annonce récente de la liquidation du studio français Prima Linea Productions envoie un signal particulièrement négatif aux professionnels.

Fondé en 1995 par Valérie Schermann et Christophe Jankovic, Prima Linea termine en apothéose sur le plan créatif avec La Fameuse invasion des ours en Sicile [+lire aussi :
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interview : Lorenzo Mattotti
fiche film] de l’Italien Lorenzo Mattotti, dévoilé au Festival de Cannes 2019 dans la vitrine Un Certain Regard, une œuvre venant clôturer pour la société française une filmographie incluant Zarafa, Loulou l’incroyable secret [+lire aussi :
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fiche film], Peur(s) du noir [+lire aussi :
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fiche film] et U [+lire aussi :
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fiche film], sans oublier la production exécutive de La Tortue rouge [+lire aussi :
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fiche film]. Mais le grand écart entre les ambitions (un budget de près de 12 M€) et les performances au box office de La Fameuse invasion des ours en Sicile (233 000 entrées en France et moins de 400 000 dans le monde) a signé l’arrêt de mort de Prima Linea. Un clap de fin qui résonne dangereusement pour l’ensemble des producteurs européens confrontés à un rétrécissement de leur marché en salles alors que l’offre d’animation y est abondante et dominée par des superproductions américaines dont les moyens financiers (de la fabrication au marketing) sont sans commune mesure avec ceux des longs métrages européens. Une tendance accentuée par un système de préfinancement télévisuel qui oblige souvent certaines œuvres européennes de qualité plutôt destinées originellement aux adolescents et aux jeunes adultes à "dénaturer" leur contenu afin d’étirer leur cible vers le jeune public, compliquant le positionnement du film par les distributeurs au risque finalement de ne satisfaire pleinement aucun segment d’audience.

Cette quadrature du cercle n’incite guère à l’optimisme et nul ne peut garantir que l’intérêt très fort des plateformes pour les contenus d’animation (en témoigne par exemple le post-achat par Netflix de J’ai perdu mon corps) évoluera vers le préfinancement d’œuvres ayant besoin par nature d’importants moyens et d’un temps assez long de fabrication.

Néanmoins, tout n’est pas perdu car le cinéma européen d’animation ne manque pas de projets, de ressources, d’expérience et d’imagination, autant d’atouts qui l’aideront à traverser les turbulences actuelles en attendant que les nouveaux modèles de financement et de diffusion se stabilisent. Valérie Schermann et Christophe Jankovic ne baissent d’ailleurs pas les bras malgré la fin douloureuse du chapitre Prima Line et le duo poursuivra son activité à travers la société 3.0 Studio (qui avait œuvré notamment sur La Tortue rouge) avec l’entrée en fabrication cette année de La plus précieuses des marchandises, adaptation du conte éponyme de Jean-Claude Grumberg et premier film d’animation de Michel Hazanavicus (une production pilotée par Ex Nihilo avec Les Compagnons du Cinéma en coproduction déléguée et StudioCanal en coproduction, distribution France et ventes internationales).

A Cartoon Movie, Prima Linea Productions (associé à France 3 Cinéma et aux Italiens d’Indigo Film) disputera le Cartoon Tribute de Producteur européen de l’année aux Lettons d’Atom Art et aux Polonais de Letko (pour Jacob, Mimmi et les chiens qui parlent [+lire aussi :
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fiche film] d’Edmunds Jansons), à Xilam Animation (flanqué de Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma) pour J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, et au quintet composé des Allemands de Trickstudio Lutterbeck et de Balance Film, des Luxembourgeois de Doghouse Films, des Belges d’Artémis Productions et des Tchèques de MAUR Film pour Fritzi – Histoire d’une revolution [+lire aussi :
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fiche film] de Ralf Kukula et Matthias Bruhn.