email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

FILMS / CRITIQUES France / Polynésie française

Critique : L’Oiseau de paradis

par 

- Le premier long métrage du Polynésien Paul Manate confronte la profondeur de la nature sauvage et des liens ancestraux à la corruption des âmes et de l’économie

Critique : L’Oiseau de paradis
Blanche-Neige Huri dans L’Oiseau de paradis

"Qui es-tu ? Qui sont les tiens ? En vain t’ai-je questionné. En vain ai-je forcé quelque fantôme solitaire, ton messager, de te livrer le secret de ce que nous sommes, un songe polynésien." Venu se recueillir sur la tombe de son père, homme de lettres et député de la République Française "ayant œuvré toute sa vie pour la liberté et la dignité du peuple polynésien" (comme l’indique l’épitaphe), Teivi écoute sa soeur rendre ainsi hommage au disparu, sous un ciel d’un bleu parfait. Comme toujours, son visage de "demi", de métis tahitien, ne laisse transparaître quasiment aucune émotion car tel est le caractère insaisissable du jeune attaché parlementaire, l’un des deux protagonistes de L’Oiseau de paradis [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Paul Manate
fiche film
]
, le premier long métrage de Paul Manate, lancé le 24 mai directement en VOD par UFO Distribution et Premium Films.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Sur une rive bordant une petite rivière se jetant dans l’océan Pacifique, des engins de construction préparent le chantier du Tahiti Millenium, un projet d’hôtel de luxe soutenu par le député Gilot (le Belge Patrick Descamps), parrain et patron de Teivi (l'Allemand Sebastian Urzendowsky). En face, des baraquements de fortune abritent une petite communauté maorie dont l’évacuation va être accélérée par un très opportun empoisonnement des eaux opéré discrètement de nuit par un Teivi qui ne s’embarrasse pas de considérations morales, plutôt amateur de dancefloor en boîte de nuit et de virées en décapotable.

C’est au cœur de cette société à double vitesse que se noue une intrigue dont l’autre face est incarnée par Yasmina (Blanche-Neige Huri), une lycéenne en grande difficulté scolaire, physiquement peu avenante (dans le genre costaud). Cette cousine pauvre de Teivi est sous la tutelle depuis deux années de la famille (très nombreuse) de sa tante après la mort dramatique et mystérieuse de sa mère et alors que son père, un simple pêcheur, la rejette. Mais nous sommes sur une île, donc dans un espace où, en dépit des grandes différences apparentes, règne une forme d’interdépendance qui plonge également ses racines dans une culture et un inconscient collectif très proches des forces de la nature. Et justement, Yasmina, que Teivi pistonne pour un emploi de femme de chambre dans un établissement touristique, a la réputation d’avoir hérité des pouvoirs de Tahu’a (sorcier, guérisseur, voyant) de sa mère, et sa rencontre provoque une obsédante, dangereuse et transformatrice commotion dans l’existence indolente et amorale de Teivi…

Récit du désir de se reconnecter à l’innocence perdue de l’enfance et aux valeurs essentielles d’une terre où les cascades scintillent sous la lune, nichées dans une jungle luxuriante, L’Oiseau de paradis réussit à mêler, grâce une solide construction scénaristique (signée par réalisateur avec Cécile Ducrocq), le réalisme social et le mysticisme onirique, les portraits de deux trajectoires individuelles et le tableau d’une société gangrenée par l’affairisme. Sous un fil conducteur à la lisière du polar, c’est toute une atmosphère aux ramifications multiples et profondes que Paul Manate fait émerger progressivement et habilement. Le recours à de nombreux comédiens non-professionnels enracine le film dans une vraie crédibilité, la mise en scène calme et maitrisée donne du relief à l’intéressant travail sur les couleurs du directeur de la photographie Amine Berrada (déjà remarqué avec Le Miracle du Saint inconnu [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
) et le long métrage tient son pari (pas forcément gagné d’avance) de juxtaposition d’ingrédients aux saveurs très distinctes et de mise en lumière des envoûtements poétiques d’une Polynésie Française ancestrale sous son décor de carte postale attisant les prédations économiques.

Produit par Nicolas Brevière pour Local Films, L’Oiseau de paradis a été coproduit par Filmin'Tahiti, A perte de vue et Anaphi Studio. Les ventes internationales sont assurées par MPM Premium.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy