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SUNDANCE 2021 Compétition World Cinema Dramatic

Critique : Luzzu

par 

- Le Maltais Alex Camilleri révèle tout son talent avec un premier long dépaysant et subtil sous le récit empathique, réaliste et instructif d’un jeune pêcheur poussé dans ses retranchements

Critique : Luzzu
Jesmark Scicluna dans Luzzu

Quand une voie d’eau surgit dans une embarcation et par extension dans une existence, peut-on résoudre le problème par un calfatage méticuleux ou s’agit-il d’un problème plus profond de structure signant une fin (ou une métamorphose) inévitable en gestation ? Tel est le sujet central aux multiples ramifications abordé dans Luzzu [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Alex Camilleri
fiche film
]
, le très bon premier long métrage du Maltais Alex Camilleri, dévoilé dans la compétition World Cinema Dramatic du 37e Festival de Sundance.

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Très rafraichissant, en ces temps d’horizons contactés à l’extrême, grâce aux vastes respirations offertes par son décor de mer ensoleillée, le film tire avec une grande habilité (et beaucoup d’honnêteté) sur le fil d’une histoire humaine très simple (un homme, un métier menacé, une famille déséquilibrée par les contraintes financières) pour faire émerger progressivement de nombreuses autres thématiques (les traditions locales confrontées à l’évolution du monde moderne, la corruption, l’adaptation ou non des valeurs et des rêves aux réalités, le poids des classes sociales, la prise de responsabilités et la nécessité de savoir se regarder dans le miroir, etc.). Une exploration très réaliste, quasi documentaire (renforcée par l’interprétation de non-professionnels) que le réalisateur (qui a également écrit le scénario) réussit à transmuter en une fiction finement maîtrisée et suscitant facilement l’empathie sur les choix possibles et souvent difficiles qui se présentent à la croisée des chemins d’une vie humaine se débattant dans le présent, entre passé et avenir.

Le Ta’ Palma appartient à la famille de Jesmark (Jesmark Scicluna) depuis plusieurs génération. Ce 12 pieds en bois est un luzzu, ces bateaux traditionnels maltais, peints dans des tons vifs (jaune, rouge, vert et bleu) et arborant à la proue l’œil phénicien censé les protéger contre les aléas de la mer. Le jeune Jesmark adore son métier et la petite communauté des pêcheurs de sa petite ville (dont son ami David incarné par David Scicluna), mais l’économie de son activité périclite : les poissons se font rares, captés par les grands chalutiers ou interdits pour cause de régulation à certaines saisons, la halle de vente à la criée méprise les petits pêcheurs, et surtout son luzzu prend l’eau, ayant besoin d’une réparation complète. Des ennuis sur lesquels se greffe une complication majeure : son bébé Aiden a des problèmes de croissance et doit consulter de coûteux spécialistes. "Je vais prendre soin de vous" assure Jesmark à sa femme Denise (Michela Farrugia) qui se résout néanmoins à se faire aider par sa propre mère qui n’a jamais eu aucune estime pour le métier de Jesmark. Blessé dans son orgueil, ce dernier va tout tenter pour trouver de l’argent, afin de sauver aussi bien son luzzu que sa famille (et son couple). Mais pour cela, il emprunte des voies le détournant de ses idéaux, un engrenage où il découvrira bien des choses sur son environnement et sur lui–même…

Très crédible et restituant parfaitement toute la dimension physique de l’univers du pêcheur (de l’hameçonnage à la découpe en passant par les travaux manuels de réfection), Luzzu est un portait très attachant d’un individu obstiné cherchant une porte de sortie, mais aussi un tableau des rouages d’un écosystème et d’une culture en pleine mutation (fonds européens d’aide à la reconversion, trafics divers, questions environnementales : "combien crois-tu qu’il restera de poissons dans vingt ans, au rythme où les températures augmentent ?"). En tissant un drame très intime dans une étoffe riche en petites touches complexes (un zest de thriller, des sentiments paternels et conjugaux mis au défi, un arrière-plan de différences sociales, et l’argent au centre de tout), Alex Camilleri réalise des débuts très prometteurs, d’autant plus qu’il ne cède pas aux tentations manichéennes et sait réserver bien des surprises…

Produit par Noruz Films, Luzzu Ltd, Pellikola et Maborosi Films, Luzzu est vendu par Memento Films International.

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