email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

SUNDANCE 2021 Compétition World Cinema Dramatic

Critique : La Ruche

par 

- Dans son premier long-métrage, la Kosovare Blerta Basholli retrace l'histoire galvanisante, et réelle, d'un groupe de femmes remarquables de force, de persévérance et d'ingéniosité

Critique : La Ruche
Yllka Gashi dans La Ruche

Inspiré de faits réels, le premier long-métrage de la réalisatrice kosovare Blerta Basholli, La Ruche [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Blerta Basholli
fiche film
]
, qui vient de faire sa première mondiale dans la section World Cinema Dramatic Competition au Festival du film de Sundance, raconte l’histoire d'une provinciale vivant dans une petite bourgade qui se retrouve confrontée aux préjugés et à l'incertitude alors qu'elle tâche de donner aux femmes de sa communauté l'élan de prendre en main leur propre destin.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Fahrije (Yllka Gashi, une vraie découverte, pour la première fois à l'écran dans un long-métrage) est une trentenaire dont le mari, comme beaucoup d'hommes dans le village de Krushë e Madhe (Velika Kruša en serbe), est mort (ou a disparu) lors d'un massacre survenu pendant la guerre du Kosovo en 1999. Elle vit avec son beau-père, Haxhi (Çun Lajçi), son jeune fils et sa fille adolescente.

Cette héroïne, qui va au travail à Pristina en voiture et s'occupe elle-même des ruches de son mari Agim, fait partie des rares femmes qui ont un emploi dans ces zones rurales du Kosovo, profondément patriarcales. Quand on informe les femmes du village qu’une O.N.G. est disposée à leur payer le permis de conduire pour qu'elles puissent plus facilement se trouver du travail, elles sont partagées. L’une d’elles informe Fahrije que son style de vie "émancipé" fait jaser la communauté. Dans ces lieux, une femme assise au café ou conduisant une voiture couvre sa famille de honte, et même la propre fille de Fahrije la traite de putain, dans une scène particulièrement douloureuse. Dans ces conditions, nul besoin de préciser ce qu'en pense Haxhi.

Mais Fahrije est bien résolue à ne pas laisser ces réactions l’arrêter, et elle décide de rassembler les femmes du village chez elle pour faire du ajvar, un condiment à base de poivron rouge très populaire dans les Balkans. Un supermarché ayant proposé de revendre leurs confections, elles se mettent à produire des dizaines de bocaux, mais tout le premier lot est détruit par quelqu’un qui entre par effraction chez Fahrije. Comme on le voit, cette dernière est obligée de se battre non seulement contre la pauvreté et l’incertitude (car elle ne peut pas entamer le processus de deuil de son mari tant que sa dépouille n'est pas retrouvée), mais aussi contre des siècles de patriarcat dans les Balkans.

Basholli donne à cette histoire la forme d’un récit galvanisant sur la force, la persévérance et l’ingéniosité des femmes, mais son film est plus complexe et sombre que tous les titres grand public décrivant une réussite face à l'adversité qu'on voit habituellement. Le Kosovo rural dans la chaleur brûlante de l'été est poussiéreux et décrépi ; les hommes ont des visages de pierre, ils sont durs et profondément misogynes (dans une scène, Fahrijese débat contre un violeur) et le pays est en piteux état. Notre héroïne n'arrive à profiter de quelques rares moments de solitude que sous la douche, des scènes filmées avec beaucoup de goût, souvent chargées d'émotion, qui offrent au spectateur aussi un peu de répit, à l'abri des extérieurs éblouissants et du voisinage bruyant et nerveux.

La réalisatrice fait preuve d’un talent incroyable dans la composition de ses personnages et au niveau de la direction d’acteurs, notamment avec l’intense Gashi. Le chef-opérateur berlinois Alex Bloom fait du très bon travail avec la classique caméra à l’épaule, presque toujours dirigée vers Fahrije, et rend avec réalisme l'impression qui se dégage des extérieurs dans le village et des intérieurs, souvent encombrés. La musique composée par le Suisse Julien Painot est élégante et utilisée avec modération, et elle n’a jamais recours à des mélodies trop littéralement  calquées sur le folklore balkanique.

Basholli ayant sagement évité les montages musicaux (il y a juste une scène, particulièrement pleine de vitalité, où les femmes dansent dans la cuisine de Fahrije) et les grandes scènes optimistes autour de moments de réussite qui seraient un must à Hollywood, le film fait de la place pour la réflexion et observe les choses de manière posée, s'assurant ce faisant que le spectateur comprend bien qu’il ne s’agit pas d’un conte de fées. Un petit bémol toutefois : dans sa seconde moitié, le film perd un peu d'élan et se trouve quelque peu bridé par des répétitions qui n’étaient pas nécessaires.

La Ruche est une coproduction entre les sociétés kosovares Ikonë Studio et Industria Film, Alva Film (Suisse), Black Cat Production (Macédoine du Nord) et AlbaSky Film (Albanie). Les ventes internationales du film sont assurées par LevelK.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy