email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2021 Compétition Big Screen

Critique : Les Sorcières de l’Orient

par 

- Julien Faraut revisite avec un art très créatif de l’exploration des archives la trajectoire emblématique d’une exceptionnelle équipe de volleyball féminine japonaise

Critique : Les Sorcières de l’Orient

"Nous, des sorcières ? On a d’abord été surprises. Mais on nous a rappelé que les sorcières étaient douées de pouvoirs surnaturels. Du coup, sans modestie, ça nous convenait." Dans le monde du sport, on aime les statistiques et les épopées d’équipes dominantes, invincibles, mythiques. De 1960 à 1966, les filles du club de volleyball de l’usine Nichibo Kaizuka, si fortes qu’elles étaient aussi l’équipe nationale du Japon, établirent une série phénoménale, un record toujours à battre : 258 victoires consécutives. C’est cette aventure collective hors du commun, symbole d’un pays en reconstruction, que Julien Faraut ramène à la lumière avec Les Sorcières de l’Orient [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Julien Faraut
fiche film
]
, dévoilé au FIPADOC et en lice cette semaine dans la compétition Big Screen du 49e Festival de Rotterdam. En imprimant à son nouveau documentaire la même patte originale qui marquait son précédent opus L’Empire de la perfection [+lire aussi :
critique
bande-annonce
fiche film
]
, le réalisateur français donne à ces femmes, à ces sportives, toutes leurs lettres de noblesse, et démontre encore une science consommée de la narration cinématographique en entremêlant archives TV, manga d’animation (Attack n°1 de Chikako Urano) et témoignages des joueuses survivantes.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Katsumi "la bouilloire", Yoshiko "la rêveuse", Kinuko "paï - tuile de mahjong (décédée en décembre dernier), Yoko "citronnade" et Yuriko "poisson-lune". Désormais grands-mères septuagénaires ou octogénaires, unies par des liens indissolubles, cinq femmes partagent un repas et évoquent les souvenirs d’une jeunesse stupéfiante sur le toit du monde du sport de haut niveau, une trajectoire de dépassement de soi, de solidarité et de conquête qui les a menées jusqu’à l’or olympique et qui appartient aussi à Masae "cheval" et à Sata "Achako" déjà disparues, et à Emiko "la bougeotte" (absente pour raisons de santé).

Recrutement à la sortie du lycée par l’usine textile Nichibo où elles assurent dès 8h00 leur travail d’ouvrières suivi de très longues séances d’entraînement acharné jusqu’au milieu de la nuit (les ballons giclent comme des balles de mitraillette pour des réceptions jusqu’à l’épuisement en roulés boulés inspirés par le culbuto Daruma) sous la férule du coach Daimatsu (surnommé "le démon" par la presse et qui avait survécu à la jungle birmane pendant la Seconde Guerre Mondiale), tournée de trois mois sous les couleurs nationales en Bulgarie, Roumanie, Pologne, Tchécoslovaquie et URSS ("les joueuses étrangères, on les a trouvées immenses"), championnat du monde 1962 à Moscou : les victoires s’enchaînent et "l’équipe de Nichibo Kaizuka est la meilleure du monde. L’histoire pourrait s’arrêter là. Mais le volleyball devient alors discipline olympique et pour le Japon, les Sorcières valent maintenant de l’or."

La pression est énorme car Tokyo a été désignée pour organiser les Jeux olympiques de 1964 (les premiers retransmis par satellite), une manière de clore la parenthèse de la guerre, de faire de l’événement le point d’orgue de la reconstruction du Japon, de montrer au monde un nouveau visage. Nos sympathiques héroïnes volleyeuses ont donc bien davantage que des matchs à remporter : elles sont les porte-drapeaux de l’honneur et de l’avenir de tout un pays (qui subit juste avant leur finale l’humiliation de voir le Hollandais Geesink triompher au judo). Et si Sports Illustrated décrivait alors leur entraînement comme "une expérience profondément choquante, glacé devant ces efforts fanatiques. Elles s’entrainent six jours sur sept, 51 semaines par an. Le regard égaré et sinistre du coach fait froid dans le dos", tout le film de Julien Faraut expose le contraire, faisant plutôt (avec une narration à la fois simple dans son déroulé sportif et très sophistiquée, inventive et énergique, sur le plan du montage et de la musique) le passionnant portrait de l’emblématique force de caractère collective de ces femmes attachantes qui ramènent tous les ballons jusqu’à marquer le point gagnant.

Les Sorcières de l’Orient a été produit par William Jehannin pour UFO Production en association avec l’INSEP (Institut National du Sport, de l’Expertise et de la Performance). Les ventes internationales sont pilotés par Lightdox.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy