email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VISIONS DU RÉEL 2021 Compétition Burning Lights

Critique : Looking for Horses

par 

- Dans ce documentaire expérimental, qui a triomphé dans la compétition Burning Lights de Visions du Réel, Stefan Pavlović raconte l’histoire intime d’une amitié improbable

Critique : Looking for Horses

Le gagnant de la Compétition Burning Lights de Visions du Réel est un documentaire expérimental à la fraîcheur inattendue. Ce titre, Looking for Horses [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, qui est le premier long-métrage du réalisateur bosnien et hollandais Stefan Pavlović, raconte l’histoire intime d’une amitié Improbable et traite également d’identité, de communication et de langage, tandis que la guerre plane en toile de fond.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Pavlović, né de parents bosniens, a grandi aux Pays-Bas et au Canada. Lors d'une visite à sa grand-mère, dans un village proche de la frontière monténégrine, il est un jour tombé sur Zdravko, un type d’âge moyen avec sur le visage des rides si profondes qu'elles semblent appartenir à un homme bien plus vieux. Pendant les deux ans et demi qui vont suivre, Stefan est revenu plusieurs fois pour filmer leur amitié de plus en plus forte.

Le film s’ouvre sur l'image d’un ciel mauve sur un plan d'eau, et des inscriptions apparaissent par-dessus, dans un une police maladroite en italique, au son de quelqu'un tapant sur le clavier d’un ordinateur. Dans ce texte, Pavlović décrit comment il a trouvé ce petit lac et la petite île plantée en plein milieu, avec dessus une église encore plus minuscule, et en tout et pour tout un habitant : Zdravko, qui vit là depuis 19 ans. Mais l'image de ces cieux ne reste pas immobile : au lieu de cela, la caméra bifurque en tous sens, comme incontrôlable, et un chien ne cesse d'entrer dans le champ pour en ressortir et y re-rentrer.

L’image suivante montre Zdravko dans son bateau, occupé à sonder l’eau avec un objet en bois qui produit un son qui irrite les poissons-chats et les fait remonter à la surface, ce qui permet de les attraper. Il parle à Stefan qui tient la caméra, mais leur échange est pour le moins irrégulier : Zdravko a perdu un oeil lors d'un accident avec une batterie de voiture et l'ouïe pendant la guerre, ce qui n’aide pas Stefan, avec son accent bosnien approximatif.

Quand Zdravko prononce un mot que Stefan ne reconnaît pas, il n’est pas traduit dans les sous-titres. En revanche, Pavlović y note parfois ses pensées tacites, à l’évidence parce qu’il veut qu’on fasse l’expérience de cette relation exactement de la même manière que lui. Ces segments qui se passent sur l'eau sont intercalés avec des séquences plus expérimentales suivant le voyage du réalisateur, pendant lesquelles il a du mal à lire son texte en voix off, du fait de son bégaiement. Quand cela se produit, les images clignotent au rythme de sa parole.

La relation entre les deux personnages devient de plus en plus chaleureuse et étroite et de temps en temps, c'est Zdravko qui filme Stefan. Ils rient beaucoup ensemble et dans une scène, ils pleurent même tous les deux. C’est rafraîchissant de voir deux hommes pleurer dans un film – dans ce documentaire, Pavlović, probablement par inadvertance, aborde le motif de la masculinité de manière inattendue.

Zdravko, alors âgé de 23 ans, est allé à la guerre au moment même où Stefan, 3 ans, est parti au Canada. Le premier a choisi cette vie solitaire parce qu’il ne pouvait plus supporter la civilisation – ce qui est sa manière d'homme du commun d’expliquer le syndrome post-traumatique. Le réalisateur ne nous dit jamais que ses parents ont quitté la Bosnie à cause de la guerre (ils ont dû aller aux Pays-Bas deux ans avant qu’elle ne commence), mais la deuxième moitié des années 1980 en Yougoslavie a représenté à bien des égards un prologue troublant par rapport à ce qui allait suivre. C’est clairement quelque chose qui connecte les deux hommes, dont les vies n'auraient pourtant pas pu être plus différentes.

Looking for Horses, qui comporte aussi quelques fulgurances d'humour, beaucoup de bonne humeur et d’émotion, transcende bien sa forme initialement inconfortable. Le spectateur s'attache de plus en plus au film et aux personnages à mesure que le métrage progresse et il s'habitue à son approche certes brute, mais rafraîchissante. C’est une œuvre d’art originale et très touchante par un réalisateur qui n’a pas peur de mettre à nu ses insécurités, ses peurs et ses doutes.

Looking for Horses a été coproduit par artTrace Foundation (Pays-Bas), KAMEN artist residency (Bosnie-Herzégovine) et Momento ! Films (France), qui s'occupe aussi des ventes internationales du film.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy