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VENISE 2021 Giornate degli Autori

Critique : Anatomia

par 

- VENISE 2021 : La réalisatrice polonaise Ola Jankowska adopte pleinement l'approche slow cinema et argumente en faveur de la mémoire sélective, notamment s’agissant des erreurs du passé

Critique : Anatomia
Karolina Kominek dans Anatomia

Anatomia [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Ola Jankowska
fiche film
]
d'Ola Jankowska, projeté aux Giornate degli Autori à Venise, est une lecture intéressante, quoiqu'elle se déploie à un rythme assez lent, sur les notions de mémoire et de famille, et de mémoire au sein d’une famille. Dans le cas de son héroïne, les souvenirs se sont déjà bien estompés, car Mika (Karolina Kominek) n’a pas vu son père depuis de très nombreuses années. Elle est maintenant devenue une adulte, mais pas nécessairement une adulte heureuse, bien qu'on entende au téléphone un homme qui a l’air gentil et lui dit qu'elle lui manque. Quand elle rentre en Pologne pour rendre visite à ton père , sévèrement atteint au cerveau, comme on peut s’y attendre, de vieilles blessures vont refaire surface dont on suppose qu'elles étaient là, purulentes sous la surface, depuis pas mal de temps.

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Il y a cependant un hic dans cette histoire : au lieu d’avoir droit au face-à-face qui aurait dû se produire bien avant, et dont elle a probablement bien besoin, Mika se rend compte que son père ne se souvient pas franchement du passé. Il se souvient des bons moments, et s'accroche à eux, convaincu qu’elle est encore adolescente et vit encore à la maison, où il préférerait largement se trouver à présent. L'insistance de son père sur l'effacement de tout un lapse de temps fait quelque chose à Mika : elle se met alors à contacter les fantômes de son propre passé, que ce soit un ancien amant ou un homme qui, comme elle le lui dit, fut son premier amour. La déclaration semble de poids, mais au lieu de montrer les réactions, la caméra de Jankowska regarde au dehors de la vitre de la voiture, peut-être avec indifférence, car elle sait pertinemment que les mots ne changeront rien. Ça fait juste trop longtemps. Toutes les émotions ici sont réprimées, du reste, et Kominek (avec ses cheveux rangés derrière ses oreilles comme si elle était une petite fille) joue un peu au ralenti tout au long de plans qui sont vraiment très longs.

Cette remarque n’est pas tout à fait une critique – c'est ainsi, c’est tout, et il y a quelque chose de familier dans toute cette grisaille qu'aiment tant les films dramatiques polonais ces derniers temps. Au lieu de pouvoir clore certains sujets, on a des silences gênants. Au lieu d'une étreinte passionnée, on a un bref moment de contact, comme pour vérifier si la personne debout à côté de vous est vraiment ici pour de bon. Jankowska propose un patchwork de plans numériques et de vieilles cassettes VHS, par exemple, le genre de films familiaux que toux ceux qui ont un certain âge continuent de garder dans leur cave, les laissant devenir floues et s'effacer petit à petit, tout comme les souvenirs qu’elles étaient censées conserver à jamais. En faisant cela, la réalisatrice voyage d'avant en arrière dans le temps avec cette femme, pas vraiment sûre de savoir où est sa place et où elle voudrait rester.

Ce film, apparemment inspiré d’une histoire vraie très similaire, semble se demander si c'est vraiment le bonheur de se souvenir de tout, ou s'il vaut mieux oublier. En retrouvant quelqu’un qui est devenu un étranger, Mika peut littéralement jeter un œil à l’intérieur de la tête de son père. Il y a quelque chose de fascinant là-dedans, dans l’idée de pouvoir "disséquer" l'esprit d'un parent absent, de découvrir tous les secrets et même les blessures anciennes, sans que cela puisse non plus effacer le passé. Peut-être que le vrai bonheur, c'est savoir laisser couler, se "libérer/délivrer", comme le préconise à plein volume un film Disney récent.

Anatomia a été produit par la société polonaise Opus Film en coproduction avec Kometa Films (France) ainsi qu'EC1 Łódź Miasto Kultury, Canal+ Polska, Opus TV et Coloroffon (Pologne).

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(Traduit de l'anglais)

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