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VENISE 2021 Hors-compétition

Critique : Le dernier duel

par 

- VENISE 2021 : Ridley Scott propose de nouveau une épopée médiévale, sur le grave sujet des agressions sexuelles au sein de l’aristocratie française

Critique : Le dernier duel
Matt Damon dans Le Dernier duel

Tant de grandeur, de bonnes intentions (quoiqu’empreintes de vanité) et de folie. Cette phrase pourrait décrire n’importe quel film du Britannique Ridley Scott (réalisateur d’Alien et de Blade Runner, avec ensuite quelques décennies de confusion). Mais elle s’applique tout particulièrement au film Le dernier duel [+lire aussi :
bande-annonce
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, un drame un peu long qui se lance dans une enquête morale sur le code médiéval de la chevalerie. Empruntant le découpage en trois parties de Rashômon, où les points de vue s’alternent, on a l’impression que le film nous hurle de prendre conscience que le pouvoir politique et la domination sexuelle ont toujours été liés. Ce postulat sera loin d’être une révélation pour le public éclairé et averti qu’il courtise. La production américano-britannique a été présentée en avant-première hors compétition l’avant-dernier jour de l’édition du Festival de Venise de cette année.

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Le scénario, que l’on doit aux acteurs du film Matt Damon et Ben Affleck, mais aussi à Nicole Holofcener, nous dépeint la France du 14e siècle comme le sombre reflet de la misogynie qui règne encore ici et là au 21e siècle. À ceci près qu’aujourd’hui, les coupables sont susceptibles de mieux dissimuler leur misogynie. Mais l’esprit et la sensibilité de Scott semblent davantage ancrés dans le passé. Il faut reconnaître que le réalisateur est passé maître dans l’art de le représenter. Il est indéniable que le cinéaste aux multiples récompenses filme parfaitement une simple scène de dialogues, avec un éclairage Rembrandt délicat et les ombres inquiétantes de la lumière des chandeliers. L’impression d’un univers médiéval authentique et captivant est toujours convaincante, alors que l’attention portée à l’intrigue et à la cohérence est moins notable.

Cette histoire alambiquée est difficile à résumer, même les réalisateurs, qui avaient deux heures et demie pour le faire, n’y sont pas parvenus. Mais l’essentiel du film se concentre sur une dispute entre les hommes d’États français, Jean de Carrouges (Matt Damon arborant une coupe mulet typique de l’époque) et Jacques le Gris (l’arrogant beau-parleur Adam Driver). La dispute porte dans un premier temps sur les terres et le mécénat, puis sur la véracité d'une accusation de viol. La femme de Carrouges, Marguerite (Jodie Comer), accuse en effet le Gris de ce crime. Heureusement, le film n'essaie pas de contester la plainte de Comer, fait qui a apparemment détourné les spécialistes de ce cas historique réel dont l’issue a été le recours supposé "ultime" au procès par combat (un duel) pour régler le différend. C'est la partie du film consacrée à Driver, racontée de son point de vue, qui tire son épingle du jeu. La culture du viol, qui règne dans les hautes sphères de la société, est montrée sans détour, avec le comte Pierre d'Alençon, incarné par Ben Affleck, en maître de cérémonie des orgies alcoolisées organisées dans les étages supérieurs de son château.

La puissante piqûre de rappel du délictueux pouvoir masculin est atténuée à la fin du film, par une autre expression forte de ce même pouvoir. Le dernier chapitre est consacré à Damon et Driver que l’on voit s’affronter sur leur monture, avant de se battre dans la boue à main nue, vêtus de leur cotte de mailles et acclamés par une foule assoiffée de sang. La version du vainqueur sera reconnue comme la version officielle de l’histoire (conformément à une loi médiévale obscure). Cela pourrait passer pour un exemple de sombre ironie dramatique, un regard cynique et audacieux porté sur l’échec des procès pour agression sexuelle modernes à rendre justice au plaignant. Mais Scott ne peut pas s’empêcher de réaliser tout cela avec un air de triomphalisme traditionnel. Sans oublier la conclusion, qui tente de redonner à Marguerite son statut de mère dévouée. C’est sans aucun doute un duel qui finit en eau de boudin.

Le dernier duel est une production américano-britannique de Scott Free Films, Jennifer Fox et Nicole Holofcener, distribuée par Walt Disney Studios Motion Pictures dans la plupart des territoires.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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