email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ASTRA 2021

Critique : Landscape Zero

par 

- Bruno Pavić nous entraîne dans un voyage maussade avec des personnages anonymes, mais dépeints avec affection, qui errent dans une zone notoirement polluée en Croatie

Critique : Landscape Zero

L'image d'un individu portant combinaison de protection et masque à gaz juxtaposée à celle de sites touristiques bondés et de gens qui nagent ou prennent le soleil, avec pour toile de fond une usine monstrueuse, de l’autre côté de la plage. Il ne s’agit pas d’un autre film sur le COVID-19, comme on pourrait le penser à première vue, mais plutôt des scènes d’ouverture de Landscape Zero [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, projeté au Festival Astra, où Bruno Pavić scrute une zone polluée et sinistrée de son pays natal, la Croatie. Plus tard dans le film, on suit un homme atteint d’une maladie pulmonaire qui distribue des affiches sur le taux de cancer dans la population locale,, et un autre dont la maison est collée au flanc d'un bâtiment abandonné entouré de piles de détritus, où il cohabite avec son chien et un troupeau de chèvres. Le lait de ces mêmes chèvres est mis en bouteille chez elle par une femme au visage radieux qui le vend ensuite au marché.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le quatrième personnage du film qu'il faut mentionner est un type solitaire muni d'un fusil qui observe l'usine la nuit, de loin, les sourcils froncés, probablement avec derrière la tête une forme de plan pour protester contre la toxicité de ses terres. En sillonnant cet environnement déroutant, on croise aussi un couple de jeunes mariés qui choisissent l'usine comme second plan pour leurs photos de mariage, des gens manifestant masqués (avant le Covid) en insistant sur leur droit à respirer un air pur, un homme qui pêche entre des édifices rongés par la rouille, des images d'archives qui suggèrent que l’industrialisation locale a été glorifiée à l’époque de Josip Broz Tito, des gens errant parmi des arbres et buissons couverts de sacs plastiques. Et des déchets, des tonnes et des tonnes de déchets. Tous ces épisodes ordinaires sont scandés par des performances physiques exécutées dans des lieux repoussants dont on a l'impression qu'elles expriment, d’une certaine manière, un grand chagrin face à la mort de la connexion des hommes avec la nature.

La caméra d'Andrea Kaštelan parcourt les scènes de dévastation qu'offre ce district industrialisé et zoome sur les conséquences de cette industrialisation, comme l’eau sale et les créatures défigurées qui rôdent sous les vestiges en cours d'effritement d’un passé encore non traité et souillé. Il est désormais impossible d’entrevoir le paysage méditerranéen, jadis magnifique, parmi les résidus matériels de la cupidité, de l’ambition politique et de la mauvaise prise de décision. La vue qu'on aurait pu en avoir a été anéantie.

À cheval entre observation documentaire et installation vidéo avec des éléments de performance, Landscape Zero pourrait être vu comme une œuvre d'art visuellement sophistiquée et contemplative. Si ce qui intéresse le spectateur est d'apprendre quelques faits sur la pollution dans cette zone, ce qu’on voit dans le film requerrait davantage de contextualisation, de même que les œuvres d'art contemporaines, or ces explications ne pourront être trouvées qu’en dehors du film. L’endroit qu'on découvre ici est Vranjic, non loin de la deuxième plus grande ville de Croatie, Split. L'usine Salonit de matériaux de construction contamine la zone à l’amiante, causant des maladies de poumons incurables chez les travailleurs et les habitants vivant dans les alentours. Les gens qui protestent plaident avant tout pour plus d’efficacité de la part du gouvernement croate s'agissant de résoudre les problèmes liés à la retraite accordée aux gens malades.

On comprend que l'ambition de Landscape Zero est d'éviter l’activisme environnemental simple et direct, et de faire au lieu de ça une déclaration silencieuse en décrivant la zone dans le détail, laissant le spectateur en tirer ses propres conclusions, tout en rendant en fait la cruauté qu'on a sous les yeux plus plaisante sur le plan esthétique.

Landscape Zero a été produit par la société croate Udruga Kazimir.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy