email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

VIENNALE 2021

Critique : Krai

par 

- Le premier long-métrage d'Aleksey Lapin est un aperçu intéressant, semi-documentaire, de la vie quotidienne d’une petite ville frontalière russe

Critique : Krai

“J’espère que vous n’êtes pas ici pour déshonorer votre patrie,” crie une femme à travers la grande place de la petite ville frontalière russe de Jutanovka. La personne adressée, le réalisateur Aleksey Lapin, assis sous les regards de tous, essaie d'apaiser les personnes rassemblées pour sa déclaration publique, et l’exaltation ambiante rappelle celle ressentie dans les parcs d’attractions. “C’est à propos de l’histoire de la ville et des ses habitants,” est sa réponse vague. C’est aussi tout ce qui vient aux citoyens lorsqu'ils essaient de résumer ce que représente le bouleversement du monde extérieur, qui a éveillé le village de son sommeil au bord de la civilisation.  

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Cependant, “quelque chose d’historique” n’est pas vraiment le sujet du premier long métrage de Lapin, projeté dans la section Features de la 59ème édition de la Viennale. Le titre du film, Krai [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, se traduit par “sol” ou “terre” en français, et c’est la terre et ses habitants qui avancent le récit. Le réalisateur russe basé à Vienne réussit à peindre un portrait engageant et sans prétentions de ce village et de sa vie quotidienne. C’est un village auquel il est lié à travers sa famille, mais en tant que personne qui n’y a jamais vécu, il y est un étranger, un simple observateur. 

Le film n’a pas d’intrigue, à part pour les moments où l'équipe de tournage s'insère dans les images, cherchant des locaux souhaitant devenir acteurs dans ce “film historique”. Cette mise en place est claire dès la première séquence du film, dans laquelle un vieil homme approche Lapin et son cousin, Seva, qui cueillent des champignons dans les environs de Jutanovka. Il dit savoir réciter de la poésie, et se lance immédiatement dans un long monologue de prose dramatique. Plusieurs personnes approchent Lapin tout au long du film, demandant de faire partie d’un projet au sujet duquel ils ne savent rien. Lapin demande à une jeune fille de 15 ans pourquoi elle souhaite participer. Elle répond : “Je veux être célèbre.”

Mais le réalisateur ne tombe pas pour l’astuce paresseuse qui tient a créé une mise en abyme sans intrigue. Sa présence dans la vie de tous les jours de ce village et les promenades de son cousin Seva servent à nous insérer dans la boucle de l’existence quotidienne du lieu. Le montage a un air elliptique, que ce soit à travers les moments répétés où Seva insiste qu’une fuite de gaz dans les collines d’à côté est responsable pour le comportement étrange des habitants, la façon dont l’équipe de tournage se déplace en covoiturage, ou les réunions entre les générations jeunes et plus âgées, illuminées par des bougies ou des feux, alors que la ville est frappée par une coupure d’électricité.

Le retour à ces méthodes anachroniques, ainsi que les comparaisons faites par la génération plus âgée entre ce chaos et le choc post-communiste des “années 1990 sauvages”, est extraordinaire. Mais le film s’abstient de trop souligner ces moments. Le temps n’a pas d’importance dans cette histoire. Détaché géographiquement du reste du monde, il y a de la liberté à ne pas être lié à ces standards. Le changement subtile qui affecte la ville est fait de petites choses : une femme met du nouveau papier peint dans la chambre de ses enfants; des voitures vieilles de plusieurs décennies deviennent progressivement moins nombreuses que les modèles récents; une jeune femme apprend à faire du breakdance.

Filmé entièrement en noir et blanc, dans un cadre 4:3 parfois très plein mais toujours étroitement composé, Krai non seulement offre une vue fascinante des paysages doux et vallonés et de l’expansion urbaine de la ville; il place aussi au premier plan les interactions, observées avec amour, entre les membres de cette communauté soudée, abandonnant toute peur que cela puisse de quelque façon déshonorer la terre des ancêtres de Lapin. 

Krai fut produit par la compagnie autrichienne Horse&Fruits Wien. Il est vendu à l'international par sixpackfilm.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy