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IFFR 2022 Harbour

Critique : Pénélope mon amour

par 

- La réalisatrice Claire Doyon filme sa fille autiste de sa naissance à son adolescence et livre un docu-portrait intime où elle apparaît aussi comme mère

Critique : Pénélope mon amour

Qui dit grandir avec une mère cinéaste dit avoir des vidéos de fêtes d’anniversaire et de Noël filmées à la manière des films de Bergman. Et ces films sont suffisamment bien réalisés pour être sélectionnés dans des festivals. Mais avec Pénélope mon amour [+lire aussi :
interview : Claire Doyon
fiche film
]
, la propension naturelle qu’a la réalisatrice Claire Doyon à filmer lui permet de proposer sa propre analyse de l’amour maternel, mais également son adaptation aux premières années de la maladie et du handicap. Elle a commencé à filmer Pénélope, sa propre fille aux formats super 8 et numérique tout au long des vingt premières années de sa vie. Elle a ensuite sélectionné un nombre d’images et de séquences pour concocter un portrait documentaire tour à tour éclairant et perturbant. Un portrait qui jette parfois un regard plus perspicace sur la souffrance de la mère que sur celle de son enfant. Après avoir été présenté en avant-première mondiale au FIDMarseille, où Doyon avait déjà été récompensée en 2012 pour son premier petit film sur Pénélope, le film s’est retrouvé dans la section Harbour de l’édition virtuelle du festival IFFR de cette année.

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Deux éléments clé composent Pénélope mon amour : des images actuelles de la sémillante Pénélope (ou Péno, comme aime l’appeler sa mère), filmée en plongée par la réalisatrice, et la voix de Doyon. Explorer en accéléré le combat de sa fille a dû être cathartique, et l’éloquence de la réalisatrice, qui accompagne les images, suscite un véritable pathos. Comme elle le dit elle-même, "jusqu’à l’âge de deux ans, ma fille s’est développée comme n’importe quel enfant de cet âge. " À partir de là, Doyon raconte sa douleur et son désarroi, alors que le comportement de sa fille n’a plus rien à voir avec ce que sont supposés faire les "autres enfants". Retard dans la communication, hyperactivité, sommeil perturbé, autant de signes qui vont amener les parents à tâtonner et à chercher un traitement, ainsi qu’un peu de répit.

Le diagnostic de Péno est d’abord celui d’un autisme sévère, doublé du syndrome de Rett (maladie génétique rare et moins connue qui altère le développement du système nerveux central et a pour effet la perte de la motricité et du langage). D’autres spécialistes, parfois issus du domaine de la médecine alternative, sont consultés, et pour les parents il s’agit d’une course contre la montre pour ranimer en elle un sentiment de fonctionnalité et de normalité, sentiment qui se trouve quelque part caché derrière les symptômes inquiétants. C’est une démarche qui se justifie davantage dès lors que l’on tente d'aborder le syndrome de Rett en tant que tel. Bien qu'il y ait une assimilation et un chevauchement entre le diagnostic de ces deux maladies, l’affirmation selon laquelle Doyon peut "réparer" ou, selon ses propres mots, "sauver" sa fille dérange dans cette époque de "fierté autistique" et de concept de neurodiversité.

Le public est susceptible de ressentir une grande empathie devant l’aliénation de Péno dans ce monde. Moins peut-être pour le point de vue de sa mère, même si son histoire a probablement été construite dans le but de provoquer et de confesser sa conception déformée des choses. Péno est toujours filmée par rapport à son groupe d'âge : "la fille du 7e qui arrête de respirer", comparée à l'enfant de "8e qui joue de la guitare", mais aussi par rapport à son environnement peu accueillant, elle qui se voit rejetée par un vendeur qui "(ne) vend (pas) de chaussures à des attardés mentaux". Bien après le public, qui finira probablement par adhérer au film dont le thème est très familier, Doyon semble enfin se rendre compte que Péno devra elle-même trouver un sens au monde qui l’entoure, y trouver sa place et adopter, selon les propres mots de la réalisatrice, "un mode de perception singulier". Bien que réalisé avec les meilleures intentions, une version plus éclairante de l'histoire pourrait simplement porter sur le fait "d’être" et de vivre, plutôt que de se débarrasser de, et de guérir.

Pénélope mon amour est une production française de Tamara Films, COfilms et Micro Climat.

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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