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GÖTEBORG 2022

Critique : Man and Dog

par 

- Ce premier long-métrage par Ştefan Constantinescu explore l’aliénation de ceux qui travaillent à l’étranger

Critique : Man and Dog
Bogdan Dumitrache dans Man and Dog

Alors que l'on pourrait penser que l’heure est venue pour le cinéma roumain de cesser de nous inonder de drames minimalistes axés sur des hommes d’une quarantaine d’années en crise, le Roumain Ştefan Constantinescu signe un premier long métrage captivant et pertinent Man and Dog [+lire aussi :
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, dont l’avant-première s’est tenue lors du Festival du film de Göteborg. Le film s’articule autour d’un quarantenaire qui, alors qu’il soupçonne sa femme d’avoir une liaison, quitte soudainement la Suède pour retourner dans sa ville natale, Constanţa.

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Selon l’idée que l’on se fait de la masculinité toxique, Doru, le héros campé par Bogdan Dumitrache, peut sembler antipathique. Informé par un texto anonyme de l’infidélité de sa femme, Nicoleta (Ofelia Popii), il quitte la Suède pour la Roumanie, au moment précis où la pandémie plonge le monde dans le chaos. Ce que nous voyons alors est un homme en proie à un malaise profond, un homme désespérément en quête de certitudes, au point de vouloir s’immiscer dans la vie des autres et de sacrifier d’anciennes relations pour obtenir des réponses.

Il est indéniable que les actes de Doru ne le rendent pas sympathique auprès du public (même s’il a à ses côtés la quasi-totalité du film Amza, le chien le plus adorable jamais vu dans un film roumain). Pourtant, le scénario signé Andrei Epure, Constantinescu et Jörgen Andersson (également l’un des coproducteurs du film) ajoute plusieurs couches à l’histoire, et d’une certaine façon, Man and Dog va bien au-delà d’une simple histoire de jalousie masculine.

Constantinescu, qui comme son héros, partage sa vie entre la Roumanie et la Suède, donne une voix à tous ses compatriotes, hommes et femmes, forcés de quitter leur famille pour travailler à l’étranger, bien souvent dans de piètres conditions. Doru se considère comme un pourvoyeur, un homme qui a traversé beaucoup d’épreuves pour être là pour sa famille, au moins sur un plan financier sinon personnel. Il se sent en droit d’exiger quelque chose en retour, comme la certitude. La certitude d’avoir fait ce qu’il fallait pour sa famille, de ne pas s’être sacrifié en vain. Et lorsque ses soupçons sur la fidélité de Nicoleta ébranlent ses certitudes, il devient fou.

Man and Dog explore avec éloquence une certaine mentalité, un genre d’aliénation et les inévitables questions que suscite la crise de la quarantaine. Dans le cas de Doru, ces questions concernent les grandes décisions de sa vie, à savoir celle d’épouser Nicoleta et de se déraciner pour aller en Suède. Et au-delà de ces questions, il en est une encore plus importante : et si tout cela était vain ? Et s’il n’était pas un pourvoyeur, mais un fléau ?

Après dix ans à jouer des hommes dont la vie a été brisée par un événement qui les dépasse (notamment dans Pororoca [+lire aussi :
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de Constantin Popescu, qui lui a valu de remporter la Coquille d’argent à San Sebastian en 2017), Dumitrache a affiné son art pour interpréter Doru. Il incarne là un homme dont le désespoir refoulé est sur le point d’exploser et qui, lorsque la situation va se calmer, sera un symbole pour des millions d’Européens de l’Est, considérés comme une main-d’œuvre bon marché dans leur pays d’adoption, et comme de simples visiteurs, des déserteurs, dans leur pays d’origine. C’est là que Doru devient attachant et gagne nos cœurs.

Man and Dog est une production microFILM (Roumanie), et une coproduction Klas Film (Bulgarie), Doppelganger (Suède) et Pandora Filmproduktion (Allemagne).

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(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

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