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THESSALONIQUE DOCUMENTAIRES 2022

Critique : A Marble Travelogue

par 

- Ce documentaire sagace de Sean Wang raconte l’histoire improbable et épique de la connexion entre le marbre grec et le plus grand marché de pierre de Chine

Critique : A Marble Travelogue

Le documentaire A Marble Travelogue de Sean Wang a fait sa première mondiale à l'IDFA et il est à présent au programme du Festival du documentaire de Thessalonique, en compétition internationale. Ce travail explore le sujet de la mondialisation à travers l’histoire du marbre grec, qui est extrait de carrières dans le Péloponnèse et envoyé en Chine, puis utilisé pour faire des statues et colonnes néo-hellénistiques ainsi que des souvenirs, qui retournent ensuite en Europe. Si vous achetez à Pise un aimant pour frigo en forme de tour penchée, il aura très certainement été fabriqué en Chine.

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Le boom économique chinois et la dette grecque croissante ont coïncidée et créé tout un nouveau marché qui reflète ce qu'est la mondialisation à une échelle monumentale, et souvent absurde, comme le montre ce documentaire très exhaustif, et remarquablement perspicace. La Chine investit beaucoup en Grèce : sa société d’État COSCO a acheté le port du Pirée en 2016. Un avocat chypriote doté d'un beau réseau de relations et ses filles jumelles, Marianna et Sofia, parfaitement identiques, parfaitement helléniques, arborant toutes deux un sourire permanent, ont creusé une niche qui pourvoit aux désirs de la classe grandissante des nouveaux riches chinois : ce sont les ambassadeurs officiels de l’amitié sino-grecques. Elles amènent des investisseurs et des touristes chinois en Grèce, négocient des accords entre des entreprises des deux pays et promeuvent la culture grecque en Chine.

De son côté, Wang nous montre que la Chine est devenue le plus vaste marché de la pierre de taille au monde. Un Artisan national officiellement désigné a une armée d'ouvriers qui travaillent le marbre et autres pierres de taille, et produisent des répliques de célèbres monuments historiques et culturels européens, symboles d'un statut élevé pour les riches de Chine. Il y a des villes entières de faux châteaux médiévaux, d'Acropoles et de Notre-Dames, mais ses sculptures modernes, plus petites, sont aussi exportées en Italie : une photo le montre debout à côté de l'une d'elles au pied du Colisée. Elles se vendent plus cher quand elles portent des étiquettes italiennes, mais l'artiste regrette que son nom soit destiné à être oublié.

Un sculpteur français a une société qui fait des bâtiments entiers en roche calcaire. Avant, il faisait la même chose aux États-Unis, mais il a trouvé un endroit bien plus rentable : la plus grande ville-usine de traitement de la pierre du monde, à savoir Guangzhou, où les restrictions liées aux syndicats ouvriers ou aux mesures de sécurité sont bien moindres. Dans une petite usine familiale de souvenirs de vacances, l'équipe du film interviewe une fillette d'environ dix ans qui dit qu'elle n'a pas peur de la poussière... et se met à tousser au moment même où elle prononce ces mots.

Entre ces segments narratifs, Wang nous fait voir le travail de la pierre en tant que tel, créant des images industrielles très tactiles où des machines et des hommes travaillent avec cette matière d’un blanc aveuglant. Il y a aussi des plans en grand-angle extrême où apparaissent d'immenses plaques de marbre et les énormes cargos sur lesquels elles sont transportées, ainsi que des images surréalistes et chargées, comme celle où l'on voit un groupe de dames chinoises dansant devant une réplique de la Tour Eiffel avec, au loin, d'immenses tours résidentielles. Le cadrage donne l'impression que les silhouettes humaines sont rendues minuscules par les seconds plans colossaux, ce qui reflète bien la place de l'individu dans l’économie mondiale, et la bizarrerie de certaines de ces images s'assortit automatiquement d'un humour de type pince-sans-rire.

La mondialisation a rarement été dépeinte de manière aussi mordante dans un film qui n’est pas un documentaire d'investigation classique. Même si Wang a dû prendre du recul pour faire un film d'une telle amplitude, il aborde aussi les aspects personnels de son sujet, sauf pour Sofia et Marianna : leur image publique est si parfaite qu’elle est impénétrable, même quand Wang les filme en train de se maquiller l'une l'autre.

A Marble Travelogue a été coproduit par MUYI Film (Pays-Bas), Blackfin Productions (Hong Kong'), Little Big Story (France) et Anemon Productions (Grèce). Les ventes internationales du film sont gérées par la société parisienne Rediance.

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(Traduit de l'anglais)

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