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HOT DOCS 2022

Critique : Nasim

par 

- Le deuxième long-métrage d'Arne Büttner et Ole Jacobs est un documentaire intime et un récit à charge sur les manquements de l’Europe en termes de droits humains

Critique : Nasim

De nombreux reportages télévisés et documentaires ont été réalisés dans le plus grand camp de réfugiés d’Europe, Moria, sur l'île grecque de Lesbos, avant l’incendie qui l'a détruit en 2020, mais Nasim des Allemands Arne Büttner et Ole Jacobs, qui vient de faire sa première internationale à Hot Docs, se démarque par son approche patiente et humaniste ainsi que par le fait qu’il a été tourné au moment où les feux se sont déclenchés.

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Büttner est également inscrit au générique comme chef opérateur, Jacobs comme preneur de son, et les deux au montage avec Janina Herhofer. Il est certain qu'une équipe plus fournie n'aurait pas pu saisir tous les moments intimes qui composent ici l’histoire de Nasim, une réfugiée afghane d'Iran qui est à Moria avec son mari Shamsullah, le petit Alireza et son fils adolescent Mohammed, ainsi que d'autres membres de sa famille, notamment sa mère et sa sœur.

Nasim, qui a maintenant 38 ans, a été forcée d'épouser son mari quand elle n’avait que 13 ans. Il faisait partie des moudjahidines qui se sont battus contre les soviétiques – mais Nasim ne découvre certains pans de ce passé que là, tandis qu'ils préparent un entretien de demande d’asile. Poussée du coude par sa sœur, qui n'hésite jamais à s'exprimer à voix haute, elle envisage timidement de divorcer et de se libérer enfin de son mariage sans amour – une des rares opportunités favorables dont peuvent profiter les musulmanes qui se retrouvent en Europe, dans une situation autrement désespérée en tous points.

Shamsullah, fier de ses exploits à la boxe et de son talent pour les massages, ne semble pas être un mauvais bougre, mais on n’a pas l'occasion de les voir beaucoup interagir à deux, en dehors de la préparation pour l’entretien et d’une petite dispute au sujet d’une casserole. Il se retrouve probablement pour la première fois dans une position d’infériorité : le fait que Nasim sache lire et écrire et qu’elle remplace parfois officieusement un enseignant lui donne l'avantage sur son mari analphabète, dans la situation où se trouvent maintenant.

Nasim se trouve vraiment ici à un carrefour important de sa vie. Alireza déteste les cours de boxe où son papa l’a inscrit ; Mohammed s'est mis à fumer, traîne avec des jeunes que sa famille ne voit pas d'un bon oeil et veut s’enfuir à Athènes. Nasim souffre d’une maladie qui la rend parfois incapable de faire quoi que ce soit avec ses mains – une scène particulièrement poignante dans le film montre Alireza l’aidant à nouer ses lacets. Quand l’idée d’apprendre l’anglais est mentionnée, Nasim dit qu’elle n'en est pas capable, à cause de "son cerveau défaillant",  mais pour autant que le spectateur puisse en juger, sa tête va très bien.

On peut même dire que les auteurs du film ont trouvé ici une femme qui est à la fois courageuse et douce, curieuse et timide, et qui est animée par un sens prononcé de ce qu'est la justice, bien qu'elle reste lestée par un sentiment de responsabilité en accord avec les traditions patriarcales. Il semblerait difficile de ne pas ressentir de l’empathie pour ce personnage doté d'une énergie inébranlable dans les plus dures des circonstances. Et puis une manifestation de Grecs nationalistes survient à Moria et les incendies vont suivre rapidement après cela. Le film ne le dit pas, mais Google précise que quatre réfugiés afghans mineurs ont fini par être identifiés et condamnés à dix ans de prison, après un procès fermé aux médias du fait des mesures prises face à la pandémie.

Le fait que le documentaire a été tourné pendant le Covid permet d'exposer encore davantage le manque de considération de l’Europe pour les droits humains. Imaginez donc d'avoir à appliquer les mesures sanitaires en vivant dans ce genre de conditions. Cet élément, ajouté à l’histoire de Nasim (ou les co-réalisateurs parviennent à trouver de vrais moments de poésie, dans cet enfer sur Terre qu'était Moria), brosse un tableau accablant de l'attitude honteuse du Vieux Continent.

Nasim a été coproduit par les sociétés allemandes companies Uebl GbR et Rosenpictures Filmproduktion GbR.

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(Traduit de l'anglais)

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