04/09/2022 - VENISE 2022 : Rebecca Zlotowski tisse dans une simplicité limpide et subtile un formidable portrait de femme sans enfants et amoureuse, magistralement interprétée par Virginie Efira

Callie Ferreira-Goncalves et Virginie Efira dans Les Enfants des Autres

"Tu n’as pas à te justifier, c’est votre histoire", "je n’ai qu’une vie et elle est avec vous. Ce qui vous arrive m’arrive aussi un peu". Dans l’existence, entrer dans un cercle déjà constitué est rarement une mince affaire, encore moins quand l’amour et les familles sont de la partie, et tout particulièrement si le compte à rebours de l’horloge biologique de la maternité se raccourcit drastiquement. Trouver une juste place, un équilibre entre les sentiments et la raison, le désir et l’effacement, l’harmonie avec soi-même et le respect de l’espace créé avant soi par autrui : c’est cette zone grise du quotidien affectif d’une femme en reflétant beaucoup d’autres que la cinéaste française Rebecca Zlotowski a choisi de décortiquer, dans toute sa banalité poignante en sourdine saisie à la perfection, avec Les Enfants des Autres [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Rebecca Zlotowski
fiche film], dévoilé en compétition à la 79^e Mostra de Venise.

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Récit intégral de la trajectoire d’un nouvel amour de Rachel (une fantastique Virginie Efira), une quasi quadragénaire célibataire et enseignante au lycée, le film retrace dans un enchaînement parfait de séquences, toutes les étapes et les complications (qui n’ont parfois l’air de rien, mais qui travaillent le couple en profondeur) de la position de belle-mère d’une enfant de quatre ans. Mais d’abord, c’est la romance avec Ali (Roschdy Zem), les mains qui se rapprochent comme des ados, le plaisir physique, les diners avec les amis. Vient ensuite le moment de connaître et d’amadouer la petite Leila (Callie Ferreira-Goncalves), puis les sorties du cours de judo (et les collations à ne pas oublier), les vacances en Camargue ensemble, les petites peurs, les joies communes, les blessures aussi ("pourquoi Rachel est tout le temps là ? - C’est mon amoureuse – C’est maman ton amoureuse. Je veux qu’elle s’en aille"). Car il y a une autre femme dans le tableau, Alice (Chiara Mastroianni), la mère de Leïla, ce que ne pourra jamais être Rachel ("je m’attache à elle. Mais c’est vous son père et sa mère pour toujours"), elle-même pressée par son gynécologue (Frederik Wiseman) et rattrapée par le temps : "si vous voulez un enfant, c’est maintenant. Pensez que les mois sont comme des années". Et le temps, c’est aussi la famille de Rachel, son père, sa petite sœur qui tombe enceinte, leur mère décédée depuis trois décennies, les prières en famille sous le châle devant la synagogue. Tout un ensemble de résonances qui interagissent en émotions profondes (et qu’on essaye souvent de contenir) touchant à l’essentiel.

"Ce n’est pas que je pense qu’une femme n’est pas complète sans enfant, mais c’est une expérience collective à laquelle je n’ai pas accès". À travers son portrait de Rachel, brillamment mis en scène (dans une élégante discrétion ornementée de fermetures à l’iris et de fondus au noir) et riche d’une multitude d’échos savamment orchestrés sous la surface d’une partition de l’existence en apparence très "banale", Rebecca Zlotowski signe une œuvre de grande maturité qui rend évidemment également un hommage tendre non seulement à toutes les femmes sans enfants, mais aussi à la solidarité féminine en général ("on va arrêter de s’excuser à la place des hommes").

Produit par Les Films Velvet et coproduit par France 3 Cinéma, Les Enfants des Autres est vendu par Wild Bunch International.

Galerie de photo 04/09/2022 : Venise 2022 - Les enfants des autres

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Michel Zlotowski, Virginie Efira, Roschdy Zem, Anne Berest, Rebecca Zlotowski
© 2022 Dario Caruso for Cineuropa - @studio.photo.dar, Dario Caruso