09/09/2022 - VENISE 2022 : Dans son premier long-métrage, le Slovaque Michal Blaško montre du doigt la xénophobie latente de notre société

Vita Smachelyuk (à droite) dans Victim

Lorsque son fils se retrouve dans un hôpital tchèque après avoir été agressé, Irina (Vita Smachelyuk), une immigrée ukrainienne, bascule dans une spirale de mensonges. Elle profite des gens et inversement se fait exploiter, essayant de tirer parti du pouvoir des tensions xénophobes. Dans son premier long métrage, Victim [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Michal Blaško
fiche film], présenté en avant-première dans la section Orizzonti de la 79^e édition de la Mostra de Venise, le Slovaque Michal Blaško filme à nouveau la détresse d’une étrangère plongée dans une situation difficile, poursuivant ainsi la thématique abordée dans ses séries et courts-métrages Suspicion [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Štěpán Hulík
fiche série], Atlantis, 2003 and Zidka.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Les responsables du séjour aux urgences de son fils Igor (Gleb Kuchuk) semblent être trois Roms, que l’on croise souvent dans l’immeuble délabré d’une ville tchèque anonyme. Cependant, Igor ne décrit jamais véritablement les circonstances de son agression. C’est l’enquêteur, M. Novotny (Igor Chmela), qui suggère le premier que les agresseurs d’Igor "n’étaient pas blancs". Après une escalade des tensions, nous apprenons que toute cette histoire n’était qu’un mensonge d’Igor, qui s’est blessé en faisant l’imbécile dans le hall d’entrée.

Mais à ce moment-là, il est trop tard pour changer l’histoire. Blaško met en lumière le gouffre sociétal au bord duquel se trouvent les deux immigrés. En attente d’une confirmation de l’obtention de la citoyenneté tchèque, le moindre trouble pourrait saboter le processus. L’interrogatoire prolongé de M. Novotny en est un parfait exemple. Celui-ci semble s’intéresser davantage à la raison pour laquelle la première demande de citoyenneté d’Irina a d’abord été refusée qu’à l’agression en elle-même. De la même façon, l’attention médiatique que suscite Irina auprès de Michal (Viktor Zavadil), un ancien habitant de son quartier qui se trouve être un homme lié à l’extrême droite et qui utilise Igor pour déclencher une révolte raciste, l’a mise dans l’œil du cyclone.

En tant que spectateurs, nous sommes subtilement invités à choisir notre camp. Irina exploite-t-elle la situation ou bien profite-t-elle délibérément d’une faille dans un système qui lui est tellement défavorable ? Tous deux sont des étrangers qui tentent de survivre dans une société. Mais celle de leur pays d’adoption apprécie encore moins la population rom locale que l’afflux d’Ukrainiens en République tchèque.

Afin de s’intégrer, Irina va devoir piétiner les exclus, les laissés-pour-compte. Non seulement la voisine rom d’Irina va se retrouver au cœur de toute cette attention médiatique, mais l’un de ses fils va être arrêté comme potentiel suspect de l’agression. Et même si Irina commence à ressentir une certaine culpabilité et qu’Igor indique qu’il ne s’agit pas de son agresseur, le jeune homme reste aux mains de la police. "Il a un casier judiciaire," nous dit-on simplement.

En ne précisant pas volontairement le lieu où se déroule le film, Blaško parvient à créer une histoire universelle sur des sociétés à deux classes, sur la xénophobie et le racisme refoulés, ainsi que sur les espoirs et les rêves brisés. S’il choisit la République tchèque plutôt que sa Slovaquie natale, le lieu peut être considéré comme un modèle de commentaire sur l’ensemble de l’Europe.

Il est ici question d’une société qui, bien qu’elle s’efforce de se montrer ouverte, progressiste et inclusive, va pourtant sauter sur la première occasion pour dévoiler le visage hideux de l’exclusion et de la persécution que le pays nourrit depuis longtemps. Irina devient la marionnette de factions opposées, consciente qu’elle ne sera jamais véritablement des leurs. C’est un combat perdu d’avance, alors pourquoi ne pas en profiter tant qu’elle le peut.

Victim est une coproduction entre la République Tchèque, la Slovaquie et l'Allemagne pilotée par nutprodukcia, nutprodukce, Electric Sheep, Czech Television et Radio and Television Slovakia. Les ventes internationales sont gérées par Pluto Film.

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)

Galerie de photo 06/09/2022 : Venise 2022 - Victim

15 photos disponibles ici. Faire glisser vers la gauche ou la droite pour toutes les voir.

{0} sur {1}

Michal Blaško, Vita Smachelyuk, Gleb Kuchuk, Igor Chmela, Viktor Zavadil, Inna Zhulina
© 2022 Fabrizio de Gennaro for Cineuropa - fadege.it, @fadege.it