email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

TORONTO 2022 Discovery

Critique : Unruly

par 

- Ce drame historique troublant par Malou Reymann regorge de subtils parallèles avec la situation actuelle quant aux choix reproductifs des femmes

Critique : Unruly
Emilie Kroyer Koppel et Jessica Dinnage dans Unruly

Une jeune femme s'amuse à une fête avec son amie. Il y a du jazz, de l’alcool et un type qui lui lance des regards qui en disent long. Ils finiront dans un petit coin tranquille pour un bref échange sexuel. Selon les standards modernes, certains appelleraient ceci une nuit réussie, mais on est à Copenhague en 1933, et le principe misogyne selon lequel les mêmes règles ne s'appliquent pas pour les hommes et les femmes est fermement brodé dans le tissu social. Ainsi, dans Unruly [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
de Malou Reymann, qui a fait sa première mondiale au 47e Festival international du film Toronto, Maren (Emilie Kroyer Koppel) va devoir endurer les conséquences du fait qu'elle est une femme qui sait ce qu’elle veut.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Ses nuits festives n’étant un secret pour personne dans son voisinage médisant, la réputation de fille légère et dangereuse de Maren fait vite le tour du quartier. Pendant ce temps-là, chez elle, sa relation houleuse avec sa mère atteint un point de non retour, car Maren lui reproche de ne pas imposer à son frère les mêmes règles qu'à elle, quand elle s'estime en droit de pouvoir attendre autre chose de la vie. "Je refuse de pourrir toute ma vie à côté d’une machine à coudre comme toi", lance-t-elle.

Ce ne sera peut-être pas la faute de la machine à coudre, mais pourrir est précisément le destin qui attend Maren, dès le moment où les services sociaux font irruption sur le pas de la porte et demandent à la mère de leur céder la garde de sa fille. Réagissez maintenant, disent-ils, avant qu’elle ne se lance "dans une vie vouée au crime". La "réaction" qui est attendue de la mère est la représentation la plus impitoyable qui soit de la société patriarcale : le docteur Wildenskov (Anders Heinrichsen) lui trouve une "légère déficience mentale et un comportement antisocial", et l’envoie sur l’île de Sprogø, dans un asile d'aliénés pour femmes géré par Miss Nielsen (Lene Maria Christensen).

L’asile du film s’inspire du véritable Foyer pour femmes de Sprogø, qui a existé de 1923 à 1961, et aux pensionnaires duquel Reymann a dédié ce film. Là, Maren rencontre notamment Sørine (Jessica Dinnage), une fille rangée qui espère réintégrer la société une fois guérie de sa "maladie". Reymann dénonce d'emblée cette idée de "rendre les filles aptes à réintégrer la société" de la manière la plus poignante qui soit : quand Sørine montre la pièce couture à Maren, elle lui explique qu’elles ont le droit de coudre des vêtements du style qui leur plaît, puis lui donne un aperçu de la planche à dessins – "Mais comme je disais, ces styles sont faciles à faire".

La détérioration de l’état de Maren qui, d'adolescente rebelle, devient une femme brisée, est inévitable, mais Reymann trouve une manière de raconter cette histoire avec la dignité qui s'impose par rapport à ses personnages et sans succomber à la tentation facile de la surdramatisation et de l’exploitation du chagrin. Son film dénoue soigneusement les éléments de l’histoire qui servent son propos tout en maintenant le spectateur en haleine comme dans un récit à suspense. Le public sait que quelque chose d’affreux va se passer, mais ce dont il s’agit n’est pas clair.

La descente aux enfers de Maren commence non pas avec la monotonie des activités proposées et la musique terne qui passe à la radio, mais au moment où elle se rend compte que toutes les filles sont là depuis six à dix ans, et que ce ne sera pas un court séjour. Certaines des pensionnaires, comme Sørine, ont même foi en ce système : Sørine le voit comme la voie à emprunter pour pouvoir être réunie avec sa fille Ellen. Quand Maren repousse les limites imposées, elle est punie, mais son plus grand acte de défi se présente sous l'enveloppe d’un séduisant homme à tout faire avec qui elle a une relation sexuelle qui aboutit à une grossesse.

À l’insu de Maren et ses amies, une nouvelle loi sur la stérilisation vient d’être passée qui vise les "déficientes mentales". Alors que Maren va bientôt accoucher de sa fille, l'inévitable séparation qui va suivre et l'insupportable chagrin qu'elle en aura n'est pas la seule perspective qui la tourmente : les autres filles et elle risquent de se voir retirer la dernière chose qui leur appartient encore entièrement, à savoir leurs droits reproductifs. S'il y a de l’espoir pour au moins quelques unes d’entre elles, Reymann montre froidement que cela a un prix. Certaines injustices sont irréparables.

Unruly a été produit par Nordisk Film Production A/S. Les ventes internationales du film sont gérées par TrustNordisk.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy