26/09/2022 - Ce premier long-métrage par Josip Žuvan, sur les rivalités entre familles et les jeunes qui cherchent la célébrité en ligne, est riche en détails et profondément enraciné dans le style de vie croate

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Nikola et Antonio (incarnés par les jeunes débutants Franko Floigl et Mauro Ercegović Gracin) sont deux préadolescents qui vivent l'un à côté de l'autre (dans la banlieue semi-rurale d’une ville de bord de mer croate dont on ignore le nom) et sont meilleurs amis, Comme il n’y a pas grand chose à faire dans leur quartier, surtout pendant les vacances d’hiver, leur passe-temps préféré est de faire de la pyrotechnie avec les moyens du bord, c'est-à-dire qu'ils font exploser des tonneaux remplis de carbure et filment le chaos avec sur téléphone portable, dans l’espoir de devenir célèbres sur YouTube.

Le problème est que leurs familles sont fâchées depuis longtemps. Pour le moment, c'est un problème facile à résoudre qui les occupe (de l'eau et de la boue qui s'écoulent de la maison de la famille d’Antonio au jardin de la famille de Nikola, mais c'est plus un prétexte pour perpétuer une querelle démarrée des années plus tôt. Instiguée par le grand-père froid et distant d’Antonio, Vlado (Zdenko Jelčić), et la grand-mère de Nikola, Ivka (Asja Jovanović), la mésentente commence à contaminer la génération suivante, celle des parents des garçons : ceux de Nikola, Zoran (incarné par le Serbe Ljubomir Bandović) et Marija (Marija Škaričić), et la mère célibataire d'Antonio, Ines (Ivana Roščić). Le temps de ces vacances, un certain nombre de secrets sur les origines de la querelle (qui ne font que mettre de l'huile sur le feu) seront révélés (ou du moins suggérés) et la manière dont les choses vont se développer va aussi affecter la relation entre les deux copains.

Cette intrigue peut sembler cliché, mais l’attention portée aux détails dans la construction des personnages et le dosage très précis de la manière dont les révélations se produisent au fil du scénario de Žuvan rendent le récit très crédible. Cette authenticité est renforcée par les décors et les costumes (confiés, respectivement, à Petra Poslek et Katarina Pilić) et par le choix des musiques qu’on entend sortir de la télévision, la radio et les téléphones portables du film, qui sont principalement de la variété croate sirupeuse. Les différentes choses qu’on apprend ici sur la société croate, déchirée entre les traditions (la gérontocratie et le patriarcat se complètent l'un l'autre) et la modernité (la course effrénée aux gadgets technologiques et à la gloire en ligne, mesurée en j'aime, en partages et en abonnés), sont magistralement tissées dans le scénario.

Les acteurs sont ceux qui bénéficient le plus de l’approche détaillée et mesurée de Žuvan. Les deux jeunes comédiens sont très naturels. Ljubomir Bandović, qui joue un personnage d'homme à fort tempérament, mais pétri de frustrations, qu’il maîtrise très bien, l'ayant déjà incarné dans un certain nombre de séries serbes, s'avère un très bon ajout au cinéma croate. L’approche pondérée qu'adoptent Marija Škaričić et Ivana Roščić en dit très long sur la position de leurs personnages au sein de leurs propres foyers.

Sur le plan technique, la décision de mélanger des longs travellings et des passages tournés à l’épaule (par Tomislav Sutlar), dans des teintes ternes et glauques s'avère astucieuse. Le rythme du film, en revanche, est parfois un peu trop lent, mais les clips tournés sur téléphone portable que Borna Buljević a monté dans le récit ajoutent du dynamisme du film. Au bout du compte, Carbide n'est peut-être pas aussi explosif que le suggère le titre, mais il frémit certainement de tension.

Carbide est une coproduction entre la Croatie et la Serbie qui a réuni les efforts de MaXima film et Biberche Productions. Les ventes internationales du film sont gérées par Wide.

(Traduit de l'anglais)