email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

ROME 2022

Critique : La stranezza

par 

- Dans ce film inventif par Roberto Andò, Luigi Pirandello trouve l’inspiration pour son œuvre la plus révolutionnaire dans une rencontre avec deux fossoyeurs dotés de la bosse du théâtre

Critique : La stranezza
Toni Servillo (centre) et Salvatore Ficarra (à gauche) dans La stranezza

En 1921, Luigi Pirandello a mis en scène à Rome, au Teatro Valle, son œuvre la plus révolutionnaire, Six personnages en quête d’auteur, tellement révolutionnaire qu'au terme du spectacle, un véritable tohu-bohu s’est déclenché dans le parterre. Les gens criaient "quelle honte !", "à l'asile de fous !", "imposteur !". Ils n'avaient manifestement pas apprécié l’audacieuse expérience. Mais comment est née l’idée de cette oeuvre, qui brisait le quatrième mur et bouleversait toutes les règles de la mise en scène, est-elle née dans l’esprit du grand dramaturge sicilien, qui allait recevoir, treize ans plus tard, le Prix Nobel de littérature ? Roberto Andò a décidé d'imaginer cela dans son nouveau film, La stranezza [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, que le public de la 17e Fête du Cinéma de Rome a pu découvrir en avant-première, dans la section Grand Public.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Le film part d'événements réels : le voyage de Pirandello (ici incarné par Toni Servillo) dans sa Sicile natale après des années d’absence, pour les 80 ans de l’écrivain Giovanni Verga (en 1920), un anniversaire à l’occasion duquel l'auteur de Feu Mathias Pascal a été appelé à prononcer un discours. À partir de là, le réalisateur et ses co-scénaristes, Massimo Gaudioso et Ugo Chiti, imaginent un contretemps qui oblige Pirandello à rester dans sa ville natale, Girgenti (aujourd'hui Agrigente), quelques jours de plus que prévu, suite à la mort de sa chère nounou (Aurora Quattrocchi). C’est donc dans un une ambiance funéraire que l’auteur sicilien fait la connaissance de Sebastiano et Onofrio (le duo comique Salvo Ficarra-Valentino Picone), les deux fossoyeurs du village, qui de jour aident l'écrivain à assurer une digne sépulture à la défunte, et le soir badinent un peu avec le théâtre, et dirigent une compagnie amateur qui regroupe différents locaux au talent discutable.

Pirandello, qui se trouve dans une phase de crise créative et qui est en quête d’inspiration pour sa prochaine pièce, scrute, observe, réélabore, descend de son piédestal et se laisse chavirer (et amuser) par ce groupe d'amateurs de théâtre débridés. C’est justement à la première de leur farce, en étudiant les vivaces interactions entre comédiens et spectateurs, qu'il aura l’intuition dont naîtra sa nouvelle pièce, laquelle va transcender toute l'œuvre qui a précédé, en plus de faire figure de ligne de partage entre le théâtre romantique naturaliste et le théâtre contemporain.

La singularité de la vision d'Andò tient au fait qu’il défait la figure de Pirandello de son caractère monumental (aussi mérité qu'il soit) et dépouille son acte de création de toute lourdeur intellectualiste pour le rendre vivant et vibrant, tout en rendant très claires les inquiétudes intérieures du personnage. En outre, La stranezza est "un film sur le théâtre qui parle aussi du public", comme le précise le réalisateur lui-même : il y a d'un côté le public qui participe, amusé, aux représentations de la farce, et de l’autre le public qui proteste face à une nouvelle manière de faire du théâtre qu'il n'est pas encore armé pour comprendre.

Réalité et fiction, drame et comédie, s'épousent tout naturellement dans ce film imaginatif et plaisant qui bénéficie aussi de participations illustres dans des petits rôles (notamment Renato Carpentieri dans celui de Giovanni Verga et Luigi Lo Cascio dans celui du Directeur chef de troupe de Six personnages..) et gagne son pari (celui, plus évident, qui s'annonce sur l'affiche du film) : celui de réunir un acteur engagé comme Toni Servillo au populaire duo comique "Ficarra e Picone". Une excentricité ("stranezza") qui fait mouche.

La stranezza est une production de Bibi Film et Tramp Limited qui marque la première association entre Medusa Film et Rai Cinema, en collaboration avec Prime Video. Le film sortira dans 450 salles italiennes le 27 octobre, avec Medusa. Les ventes internationales du film sont assurées par True Colours.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy