email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BLACK NIGHTS 2022 Critics’ Picks

Critique : Wake Me

par 

- Dans son quatrième long, un film efficace, Marko Šantić étudie les chances de rédemption d’une brute nationaliste après qu’il ait perdu la mémoire

Critique : Wake Me
Jure Henigman dans Wake Me

Est-ce qu'on peut vraiment changer ? Arrive-t-il jamais que la vie offre une chance de repartir à zéro sans tous les torts qu'on a commis ? Peut-on vraiment se défaire d'un lourd passé rempli de haine ? Voilà les questions qu'il faut avoir en tête avant d’aborder le nouveau film du réalisateur croato-slovène Marko Šantić, Wake Me [+lire aussi :
interview : Marko Šantić
fiche film
]
, qui vient de faire sa première dans la nouvelle section Critics’ Picks du Festival Black Nights de Tallinn.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

On rencontre le héros du film, Rok (Jure Henigman), à l’hôpital, dont il va bientôt sortir. Il a atterri là après un accident indéterminé qui a causé un traumatisme crânien et de graves pertes de mémoire sélectives. Il ne se souvient même pas de sa petite amie Rina (Živa Selan) ou de leur vie ensemble, dans la ville touristique de Bled, de sorte qu’il insiste pour qu’elle le laisse chez sa mère, dans une ville industrielle proche, Jesenice.

Sa mère (Nataša Barbara Grančer), qui se remet d'un cancer, est loin d’être ravie de voir son fils, et on sent que sa réaction est justifiée : l’apparence de Rok est imposante, et l'usage qu'il fait des impératifs directs menaçant. Il fait l'effet de quelqu’un qui est capable d’être très agressif, voire directement violent. Malgré tout, son frère cadet Jure (Timon Šturbej) continue de l’idolâtrer, et sa vieille bande, menée par Damjan (Jurij Drevenšek), est plus que contente qu'il soit de retour.

C’est justement cette bande qui met Rok en partie au parfum sur son sombre passé : il semblerait que quand Rok vivait dans cette ville jadis connue pour son aciérie, son gang visait les musulmans bosniaques y résidant encore, et qu'il était le premier des "gros bras", n'hésitant pas à se salir les mains. Quand il apprend tout cela, Rok essaie de réparer les choses avec les gens auxquels il a fait du tort dans le passé, à commencer par sa mère et ses anciens camarades d’école Selim (Blaž Setnikar), Đenana (Tamara Avguštin) et Amir (Benjamin Krnetić), qui dirigent à présent le Centre culturel bosniaque de la ville. Il essaie aussi de soustraire son frère à l’influence toxique de ses anciens copains, mais comment être sûr qu'il a réellement changé et que c'est vraiment comme ça qu'il se sent, maintenant, s'il n'est même plus capable de se souvenir de sa petite amie ?

Wake Me pourrait faire l'effet d'une sorte de variation plus légère sur le thème American History X, mais les relations entre les Slovènes et les immigrants venus d’autres endroits d'ex-Yougoslavie sont en fait un sujet extrêmement populaire dans le cinéma slovène et dans le débat public. Ce film, co-écrit par Šantić avec Sara Hribar et surtout Goran Vojnović, qui a exploré ce sujet à travers différents médiums (en tant que réalisateur, romancier, dramaturge et éditorialiste), fait authentique, et c'est grâce au traitement qui y est fait du personnage principal, joué par Henigman avec un niveau d'engagement total, sans oublier les lieux où se passe le film et les paysages sociaux qu'il montre.

Les autres comédiens jouent des variantes de leurs rôles habituels, mais Šantić se sert de ça de manière efficace et économique. Timon Šturbej est convaincant dans le rôle du petit frère qui se laisse trop impressionner par le gang de son frère et leur idéologie, et Jurij Drevenšek est flippant comme il se doit en idéologue de bas étage et leader du gang de voyous nationalistes. Le travail d’Ivan Zadro à la caméra à l’épaule et les couleurs froides dans les tons de bleu gris dont il baigne les extérieurs ajoutent à son réalisme. Le montage de Vladimir Gojun est fluide et l'utilisation finement équilibrée qui est faite de la musique bourdonnante de Jan Vysocky, qui comprend aussi du piano et des cordes, contribue au dynamisme du film. Šantić exécute aussi une scène clef, vers la fin du film, avec la maestria requise. Il n'en faut pas plus pour que Wake Me laisse une bonne impression et engage, peut-être, les gens à se réveiller de la folie nationaliste dominante.

Wake Me est une production entre la Slovénie, la Croatie et la Serbie pilotée par Vertigo, en coproduction avec Jaka Produkcija et Living Pictures. Les services techniques ont été fournis par Film Studio Viba Film et Hippocampe Productions.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy