26/01/2023 - Ce documentaire d’Anton Corbijn est dédié à l’équipe créative à laquelle on doit certaines des pochettes d’albums les plus iconiques des années 1970 (et après)

Réaliser un documentaire sur des artistes dont le travail a été nourri par un talent inné, par la drogue et par l’énergie pure de la jeunesse, plutôt que par des décisions mûrement réfléchies ou des principes solides sera toujours compliqué. Tenter de communiquer la frénésie que suscitaient à l'origine leurs créations, si célèbres qu'elles sont désormais omniprésentes, est un autre obstacle de taille. Mais il est tout de même dommage de voir Anton Corbijn avoir recours à des interviews et des images d'archives pour Squaring the Circle (The Story of Hipgnosis) [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film], documentaire sur l'équipe créative britannique à l'origine de certaines des œuvres d'art discographiques les plus emblématiques des années 1970, présenté dans la section Spotlight à Sundance. Bien qu'il soit relativement facile à monter, ce format donne presque inévitablement à ces créations passionnantes et à l'époque, totalement déroutantes, un reflet terne et nostalgique, lissant les hauts et les bas qui font l’intérêt de tout parcours créatif.

Ce qui ne gâche rien, bien au contraire, c’est la qualité des dites œuvres et les meilleurs moments du film sont ceux où Aubrey "Po" Powell, le membre encore vivant du duo originel Hipgnosis explique en détail comment, avec son acolyte Storm Thorgerson, ils ont eu l’idée de certaines de leurs œuvres les plus marquantes. Une séquence particulièrement intéressante et drôle concerne le design de House of the Holy de Led Zeppelin, parfaite illustration d’un mélange d'idées farfelues et de pragmatisme qui a permis aux deux hommes de créer autant d'œuvres originales, si rapidement. En effet, les ambitions artistiques inaltérables de Storm, qualifié de "grossier" par toutes les personnes interviewées, combiné au pragmatisme de Po ont permis de créer de la magie. Mais la chance a aussi eu son importance. Les deux hommes, dont la rencontre est le fruit d’un pur hasard, ont créé leur société de conception graphique après avoir conçu leur première pochette d’album pour leurs amis les Pink Floyd.

La décision de Corbjin de filmer en noir et blanc les interviews d’amis, de collègues et d’artistes, parmi lesquels Paul McCartney, Peter Gabriel et les membres des Pink Floyd, mais également Noel Gallagher, voix d'une jeune génération de musiciens pour qui Hipgnosis était une légende et non un alter ego, est réfléchie. En effet, en plus de flatter ses sujets, elle permet de mieux intégrer leurs commentaires dans l'histoire racontée. Le réalisateur comprend que les détails sont plus intéressants que l’arc de la gloire et la décadence de l'histoire du collectif de conception graphique, et rassemble de nombreuses anecdotes amusantes dans un film d’une durée raisonnable. Le principal sujet de l’interview, à savoir Powell, admet de son plein gré qu’il voulait vraiment gagner de l’argent alors que Storm lui, s’intéressait davantage à la vision et à l’intégrité de la société. Sa franchise est rafraichissante et fait disparaître une grande partie du romantisme d’un film sur les années 1970 (qui, pour être honnête, étaient vraiment une grande époque pour la musique).

Le décalage culturel dans lequel l’équipe s’est retrouvée aurait mérité d’être développé. Mais nul doute qu’il s’agit ici d’un documentaire qui s’adresse aux fans d’Hipgnosis et à ceux des groupes et artistes avec lesquels ils ont travaillé, plus que d’une analyse historique détaillée.

Squaring the Circle (The Story of Hipgnosis) est une production britannique de Raindog Films. Les ventes à l’étranger sont assurées par Rocket Science.

(Traduit de l'anglais par Karine Breysse)