email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

BERLINALE 2023 Panorama

Critique : El castillo

par 

- BERLINALE 2023 : L’Argentin Martín Benchimol nous fait entrer avec son troisième long-métrage dans un conte de fées qui va forcément se heurter à la dure réalité

Critique : El castillo
Alexia Caminos Olivo et Justina Olivo dans El castillo

Le réalisateur argentin Martín Benchimol décrit son troisième long-métrage, El castillo [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Martín Benchimol
fiche film
]
, qui vient de faire sa première mondiale dans la section Panorama de la Berlinale, comme un docufiction hybride pour lequel il a étroitement collaboré avec ses personnages centraux, parfois en recréant des situations passées ou en dépeignant un futur imaginaire. Ce titre, qui fait l’effet d’un conte de fées inévitablement amené à chuter la tête la première dans la réalité, est un portrait chaleureux de deux femmes dans un décor extraordinaire, mais aussi regard incisif posé sur les relations de classe et de race en Amérique latine.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Sa dimension conte de fées est l'aspect le plus évident du film. Justina (Justina Olivo), une indigène apparemment en fin de cinquantaine, a hérité d’une immense demeure dans la pampa argentine, après avoir travaillé toute sa vie pour la famille qui la possédait. Ce leg était toutefois assorti d'une condition : qu'elle ne quitte jamais l’endroit ni ne le revende. À présent, elle y vit avec sa fille Alexia (Alexia Caminos Olivo).

En ouverture du film, Benchimol pose sa caméra statique sur un couloir dans la maison, tandis que joue l’excellente bande originale composée par José Manuel Gatica, qui mélange musique classique moderne et jazz avec des fioritures fantaisistes très reconnaissables. Un chat entre dans le champ, suivi par la replète Justina, elle-même suivie par un agneau noir. Elle ouvre les stores et la lumière entre, révélant des intérieurs jadis majestueux, à présent décatis.

Non que Justina et Alexia soient paresseuses : elles font du mieux qu’elles peuvent, mais ont peu d’argent pour les réparations. Quand il pleut, elles courent partout pour poser des bassines sous les gouttes et couvrent les meubles de bâches en plastique. Il y a ici douze chambres et six salles de bain, mais les tuyaux sont bouchés. Le plâtre est tombé à maints endroits et des marques d'infiltration se répandent des plafonds jusqu’aux murs.

Dans cette propriété de 62 hectares, elles ont plusieurs vaches, qu'elles vendent une à une quand vient le moment de payer les factures et les taxes. Justina a un amant, dans une autre ville, à qui elle parle souvent au téléphone, mais qui semble ne jamais venir lui rendre visite. Alexia adore les voitures. Elle voudrait devenir pilote de course et prévoit de travailler dans le garage d’un ami à Buenos Aires.

De temps en temps, la famille des anciens propriétaires vient pour le week-end. C’est là qu’on est directement mis face aux inégalités de classe et de race. Quand ce groupe deblancs fait son entrée, avec lunettes de soleil, chaussures et sacs à main de marque, Justina met sa meilleure chemise, prête à les servir, tandis que sa fille reste en retrait à leur lancer des regards noirs. Grâce à l’approche empathique de Benchimol, le spectateur perçoit cette situation comme profondément triste et partage la colère d’Alexia.

La maison a vraiment l'air d’un château, avec sa haute tour et sa grande façade qui était sans doute, dans ses heures de gloire, d’une seule et même couleur. À l’intérieur, l’argenterie, les photographies aux cadres élégants et les meubles anciens prennent un sens très différent avec les deux femmes indigènes et leurs animaux parmi eux (l'image de l'agneau noir assis dans une des chaises de velours rouge est charmante, mais absurde). Sans aucune classe supérieure, sans blancs à servir, l'ensemble produit une impression qui force le spectateur à se confronter à ses propres préjudices. La loyauté de Justina et son sens de la responsabilité font d'elle un personnage stoïque qui tiendra sa promesse en dépit de tout. Alexia étant de son côté une véritable enfant du XXIe siècle, il en va tout autrement pour elle. Son caractère et ses désirs complètent ce tableau rêveur d'une beauté unique, empreinte de mélancolie, lui apportant une saveur acidulée qu'on accueille avec plaisir.

El castillo a été coproduit par la société argentine Gema Films et la française Sister Productions. Les ventes internationales du film sont assurées Luxbox.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'anglais)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy