email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

CPH:DOX 2023

Critique : Vintersaga

par 

- Carl Olsson présente un kaléidoscope social de la Suède d’aujourd’hui ; le film démontre que la manière dont on se place devant un objectif est désormais la même dans le monde entier

Critique : Vintersaga

Ce qui frappe tout de suite dans Vintersaga [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, en compétition dans la section internationale Dox:Award de CPH:DOX, c’est l’ambition de sa prémisse : cerner la Suède contemporaine dans sa diversité et ses contradictions, comme l'indique le sous-titre. Ce documentaire de Carl Olsson s'organise en 24 scènes différentes articulées autour des paroles de la chanson qui donne son nom au film, composée en 1984 par le musicien suédois Ted Ström. D’habitude, les documentaires se concentrent sur un thème unique qu'ils creusent en profondeur, si possible en proposant une vision originale. Ici, on a affaire à une suite de plans fixes qui s'enchaînent de manière linéaire, et si le tout ne formait pas un film, ce serait une planche de bande dessinée représentant la géographie d’un pays.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)
Hot docs EFP inside

Il serait ardu de citer les 24 "vignettes". Certaines s'impriment en vous, d'autres ne durent que quelques secondes, d’autres encore glissent et semblent s'enfuir, mais s'insinuent dans votre esprit de manière presque subliminale, presque toutes sont fascinantes, notamment grâce au travail de photographie de Mathias Døcker, qui encadre l’espace scénique avec une rigueur tolérante et un laconisme tout scandinave. Comment, cependant, ne pas mentionner ce petit groupe d’hommes qui s’amusent à brûler de la gomme avec une BMW bricolée dans une zone industrielle ? Ou ce couple âgé qui regarde les oiseaux d'un rocher sous un phare et, avec un peu de chance, aperçoit un bécasseau violet ? Ou ces nostalgiques qui se réunissent pour fêter sa majesté le roi à travers un dîner et un hymne royaux ("Du plus profond des cœurs suédois...") ? Ces deux frères qui travaillent dans un restaurant de Johanneshov, à Stockholm, et papotent dans une ruelle pendant leur pause cigarette ? Ces deux jeunes femmes en auto qui testent la gamme Rituals de Séphora ? Ces deux employés de la douane qui gèlent sur une route sombre ? Ces deux types qui ne se sont pas vus depuis 30 ans et boivent de la bière quand l'un dit : "excuse-moi si je t'ai harcelé à école quand on avait huit ans" ? Ou ce couple d’amant qui boit et parle de mariage et se retrouve petit à petit à faire l’amour dans une chambre d’hôtel ? Ces deux vieilles dames dans la rue qui font le point sur qui est mort cette semaine ("Gunnar... il avait plus 90 ans") ? L’équipage du ferry “Lasse Maja” à Marstrand, qui débattent sur l'endroit où ils vont aller déjeuner ? Ce sont de rapides coups d’œil en une poignée de secondes, un kaléidoscope social avec un élément commun : le froid. À un moment, quelque chose survient qui trouble légèrement : d’abord un homme avec son chien pose devant un mur où apparaît l'affiche même du documentaire qu'on est en train de regarder, après quoi deux jeunes filles conversent devant ce qui semblerait être le petit ciné-club Centrumbio d'Arjeplog, dont on voit ensuite qu'en salle, ils projettent le documentaire dans le documentaire, plus précisément les deux filles en scooter qui discutaient, peu avant, des 5 % de l’espace exploré par l’Homme. Comme dans un film de David Lynch ou le miroir convexe des Époux Arnolfini de Jan van Eyck.

À la fin, la demande est : quelle part de ce qu’on a vu parle d’un pays spécifique ou ne voit-on pas plutôt les limites de la réalité se brouiller toujours davantage, enveloppant l'imaginaire mondial ? N'est-il pas possible que deux jeunes femmes puissent parler parfums de la même manière à Stockholm ou à Marrakech ? Ou que des ados louent leur propre équipe à Liverpool ou débattent de ce qu'ils feraient avec 10 millions (de couronnes, d'euros, de dollars) ? C'est peut-être justement ceci que nous révèle le documentaire. La manière qu'on a de nous percevoir nous-mêmes, et de nous mettre devant un objectif, pour un observateur neutre (même si documentariste n’est jamais neutre), a changé partout, de la même manière, et personne n'est plus innocent. Parce que 60 années ont passé depuis Comizi d’amore de Pier Paolo Pasolini.

Vintersaga a été produit par Ginestra Film en coproduction avec Film i Väst, Filmpool Nord, Final Cut for Real. Les ventes internationales du film sont assurées par CAT&Docs.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy